Qui a mis fin à la souveraineté de l’Ukraine ?

Nous reproduisons le premier article d'un série de 8 écrite par Fabrice Garniron et parue sur le site Réseau International (https://reseauinternational.net/qui-a-mis-fin-a-la-souverainete-de-lukraine-1/)

Fabrice Garniron est pianiste de formation et enseigne dans la région parisienne.

Il commence ses études au milieu des années soixante au conservatoire d’Alger, avant d’obtenir, en 1974, son premier prix du conservatoire d’Amiens, et de terminer sa formation, à la fin des années soixante-dix, à l’Académie Franz Liszt à Budapest et à l’Ecole Normale de Musique de Paris.

Sensible à la problématique de l’information en périodes de guerre et de la justification humanitaire des ambitions des grandes puissances, il a déjà publié plusieurs articles autour de ce thème sur les conflits yougoslaves : dans la revue grecque Néa Estia ; les mensuels Balkans-Infos (B.-I.) et Bastille-République-Nations (BRN) ou sur le site internet Le Monde diplomatique.

L'ouvrage "QUAND LE MONDE ...", qui est son premier publié, constitue l’aboutissement de plusieurs années d’un véritable travail d’analyse systématique et de décryptage approfondi du discours médiatique sur ces événements.

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Ukraine

 

Retour sur un mythe médiatique

On ne peut guère douter de l’efficacité d’une propagande quand ceux qui la critiquent semblent être eux-mêmes sous son emprise. Depuis le début de la guerre en Ukraine en effet, il n’est pas rare de voir ceux qui se distancient peu ou prou de la désinformation médiatique antirusse se retrouver néanmoins aux côtés des contempteurs médiatiques de la Russie pour affirmer que le 24 février 2022, cette dernière aurait violée la souveraineté de l’Ukraine. Si cette formule est ressassée comme une évidence, se pose pourtant la question de savoir si à cette date l’Ukraine était effectivement un État souverain, autrement dit un État n’étant pas soumis au contrôle d’un autre État.

A l’aune de cette définition, disons d’emblée qu’il parait pour le moins fallacieux de classer l’Ukraine dans cette catégorie. Huit ans avant l’intervention russe en Ukraine en février 2022, n’est-ce pas un putsch soutenu par une puissance étrangère, en l’occurrence les États-Unis, et exécuté par leurs alliés locaux, notamment ceux de la mouvance  de l’extrême droite la plus dure (1) qui, le 22 février 2014, évince le président élu démocratiquement, Viktor Ianoukovitch, considéré comme «pro russe» (2) ? Un coup d’État non seulement sanglant mais ayant toute la perversité des massacres sous faux-drapeau.

Avant d’y revenir plus loin en détails, rappelons que le 20 février 2014 des snipers pro occidentaux ont tiré sur la foule des manifestants, eux-mêmes pro-occidentaux, pour que la tuerie soit attribuée au gouvernement de V. Ianoukovitch et provoque le chaos, ce qui a permis à une équipe inféodée aux États-Unis de prendre le pouvoir. Ces faits documentés et accablants sont souvent mal connus, y compris de ceux critiquant la présentation médiatique russophobe. Il s’impose donc d’y revenir, d’autant plus que les victimes se comptent par centaines et qu’au mépris de toute déontologie de l’information, les entreprises médiatiques cachent soigneusement ces faits vieux de huit ans pour mieux se gargariser de leur indignation sur le thème de la «souveraineté de l’Ukraine violée par Poutine en février 2022». On peut supposer qu’elles auraient quelque difficulté à qualifier de «souverain» un État occidental passé dans le giron russe à la suite d’un putsch sanglant ourdi par Moscou. Pour nos faiseurs d’opinion, il semble que la pratique du coup d’État est acceptable à Kiev quand elle est occidentale mais serait criminelle à Londres, Paris ou Berlin si elle était le fait de la Russie.    

Quant à ceux qui prétendent se distancier du discours médiatique russophobe, ils semblent, sur ce point de la « souveraineté de l’Ukraine », défier l’élémentaire logique. Alors qu’ils reconnaissent le plus souvent que Washington est effectivement impliqué dans le coup d’État de février 2014, ils refusent néanmoins d’admettre que c’est à ce moment-là que la souveraineté de l’Ukraine a été non seulement violée mais mise à mort. Faut-il rappeler qu’un putsch fomenté par une puissance étrangère vise à vassaliser un autre État, ce qui par définition met un terme à la souveraineté de ce dernier ? On peut supposer toutefois que, loin d’être une erreur d’analyse de la part de ceux qui s’efforcent de se distancier de l’unanimisme antirusse, il s’agit plutôt d’une concession au récit médiatique. Crainte qui, encore une fois, donne la mesure du pouvoir d’intimidation quasi totalitaire des entreprises médiatiques.

Nous défendrons donc ici la thèse qu’en réalité ce n’est pas en février 2022 avec l’ «Opération militaire spéciale» de la Russie qu’est violée la souveraineté ukrainienne. Car lorsque les forces de la Fédération de Russie entrent en Ukraine cette souveraineté n’existe plus depuis huit ans, soit, répétons-le, depuis le putsch organisé par les États-Unis et leurs alliés en février 2014. Dès lors, les rodomontades ultra nationalistes adoptées par les autorités issues de ce putsch cachent mal qu’en fait cette souveraineté n’est plus qu’une fiction, et ce dans tous les domaines, qu’ils soient militaire, politique, géopolitique, économique et juridique.

«Nous n’avons pas d’intérêts, seulement des valeurs»

 De la part des médias mainstream, les intérêts étasuniens en Ukraine sont l’objet de la même conspiration du silence que le putsch sanglant et pro-occidental fomenté à Kiev en 2014. Il est vrai que l’opiniâtreté avec laquelle ils les ont systématiquement dissimulés n’est pas en soi un phénomène nouveau. On y a déjà assisté lors des interventions dirigées un peu partout sur la planète par les États-Unis. Il s’agit à chaque fois d’évacuer de l’espace médiatique ce qui pourrait rattacher toute implication américaine, qu’elle soit directe ou pas, à de quelconques «intérêts». Ainsi est aujourd’hui réactivé cet artifice de propagande bien connu selon lequel en Ukraine, comme en Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie ou ailleurs, les États-Unis, et au-delà les Occidentaux, n’auraient pas d’ «intérêts» mais seulement des «valeurs», ces dernières expliquant à elles seules l’interventionnisme occidental. Pour dénoncer ce formatage aussi efficace que primaire, un ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, évoquait déjà, il y a près de 25 ans, une «opinion westernisée » (3).

Aujourd’hui, comme lors de chaque guerre occidentale, on assiste donc au recyclage de ce scénario inusable où les protagonistes sont invariablement le Bon, le Méchant et la salutaire cavalerie otanienne pour assurer le triomphe définitif du Bien      

Par définition réducteur et simpliste, ce manichéisme ne peut en effet prospérer sans expurger de la scène et du récit médiatiques tout ce qui pourrait menacer l’univers mental dans lequel il s’agit d’enfermer l’opinion. A commencer par l’économie, l’histoire et la géopolitique, invariablement absentes des plateaux TV et autres supports. Sans doute les entreprises médiatiques, avec leur condescendance méprisante habituelle, les jugent-elles d’un abord trop ardu et moins vendeur que leurs réductions binaires. D’où leur préférence pour une psychologie low cost consistant en une personnification outrancière, sinon obsessionnelle, de la Russie à travers Vladimir Poutine, personnage dont la malfaisance intrinsèque supposée suffirait à justifier la vertueuse mobilisation de l’Occident contre la Russie. Il est vrai que la complexité fait fuir alors que le simplisme fait vendre.

Fort de ce principe bien connu des experts en «temps de cerveau disponible», le bourrage de crâne transplante l’opinion dans un monde irréel d’où a été exclu tout ce qui participe de la conflictualité  millénaire de la vie des États, question complexe par excellence à laquelle la guerre en Ukraine n’échappe pas. Ainsi, tout est fait pour que l’opinion ignore que les conflits entre puissances, aujourd’hui comme hier, s’articulent sur les conquêtes de marchés, l’appropriation des matières premières, le contrôle des ressources énergétiques et celui des voies permettant leur acheminement et autres logiques monétaires… Autant de notions qui paraissent relever d’un idiome étranger pour ceux qui s’habituent à voir le monde à travers l’image fallacieuse qu’en livrent les médias mainstream. Il va se soi que les entreprises médiatiques ne voient aucune raison de s’encombrer de cette langue prétendument absconse quand, outre les habituelles motivations liées à l’appât du gain et à l’obsession de l’audience, il s’agit pour elles de faire croire que les dirigeants occidentaux sont fondamentalement mus par ces fameuses «valeurs» dont ils aiment s’auréoler.

Dans pareil contexte, gare à ceux qui prétendent que la politique des États occidentaux n’est pas exactement ce qu’en disent leurs dirigeants et les commentateurs qui les flattent. L’anathème de «complotisme» et ses variantes sont là pour exclure du cercle de la raison comme de celui de la morale les contrevenants à cette doxa aussi rudimentaire que menaçante. Notons enfin que l’hypothèse du complot, interdite quand elle vise le camp du Bien, est en revanche recommandée quand il s’agit de pourfendre le camp du Mal… Voilà, rapidement décrit, l’univers mental qui, du haut en bas de l’échelle de l’instruction, voire plus encore en haut qu’en bas, imprègne majoritairement l’opinion quant aux évènements en Ukraine et permet d’obtenir le consentement des opinions occidentales aux expéditions et autres conquêtes des États-Unis et de leurs vassaux européens.

Objectifs et intérêts étasuniens en Ukraine

Si, associé aux aventures extérieures des Occidentaux, la question des intérêts américains est taboue  dans les rédactions mainstream, les objectifs des États-Unis n’ont pourtant rien de secret. Absents de la scène médiatique, ils sont pourtant sur la place publique, y compris aux États-Unis où des fondations, des hommes d’Etat et autres experts disent leur hantise de voir les États-Unis perdre le statut de puissance unipolaire auquel la disparition de l’URSS leur a permis d’accéder. Pour qui veut bien examiner leurs analyses, il est facile de constater qu’elles sont dans la tradition millénaire de ce qui fait agir les grandes puissances, à commencer par leur volonté de le rester. À ceci près que le statut de puissance unipolaire et planétaire des États-Unis est un fait unique dans l’histoire. Dès lors, pour ceux qui pensent la stratégie américaine, la question se résume à ceci : comment empêcher l’émergence d’une ou de deux puissances rivales (4) ? Pour les stratèges américains, cette émergence ne peut avoir lieu qu’en Eurasie, vaste espace continental où se concentrent la majeure partie des richesses, des territoires et des populations de la planète. Sont visées bien sûr la Chine et la Russie, mais aussi l’Allemagne, qui pourrait rivaliser dangereusement avec les États-Unis si, forte de l’énergie bon marché venue de Russie, elle développait avec cette dernière ses relations économiques. Comme l’écrit G. Friedman, responsable de la fondation américaine Stratfor, proche des services secrets étasuniens : «L’intérêt le plus important des États-Unis au cours des 100 dernières années, tant pendant la 1ère et la 2ème Guerres mondiales que pendant la Guerre froide, était de savoir comment les relations entre l’Allemagne et la Russie se développeraient, car si ces intérêts étaient entremêlés et associés, ce serait la seule puissance au monde qui menacerait la primauté des États-Unis. Il est dans l’intérêt des États-Unis que cela ne se produise pas » (5).

Le risque serait grand en effet pour les États-Unis de passer du statut de «puissance globale» à un rôle modeste sinon accessoire en Eurasie. Y rester fait du contrôle de la tête de pont eurasienne qu’est l’Europe une nécessité absolue, perspective qui rend indispensables le maintien et l’extension de l’OTAN aussi loin que possible vers l’Est.  On comprend mieux l’acharnement, tant de l’administration D. Trump que de celle de J. Biden, à empêcher la construction des gazoducs Nordstream 1 et 2, qui fournissaient à l’Allemagne une énergie russe bon marché. Sans oublier, bien sûr, que cette obstruction américaine avait aussi pour but d’obliger l’Allemagne à acheter le  gaz américain bien plus cher. Quant à l’acte de guerre antiallemand, voire antieuropéen, qu’est le dynamitage de ces deux gazoducs par les États-Unis en septembre 2022, il confirme s’il en était besoin la réalité de cette stratégie américaine de rupture entre l’Allemagne et  la Russie (6).                    

Si l’Allemagne est perçue à Washington comme une puissance rivale potentielle, la Russie est en revanche l’ennemi désigné, statut qui, contrairement aux ressassements médiatiques habituels, ne doit rien à son intervention en Ukraine de 2022, pas plus qu’à l’annexion de la Crimée en mars 2014. Son étendue gigantesque sur deux continents et les richesses incommensurables de son sous-sol font inévitablement de la Russie une grande puissance, autrement dit un État rival avec lequel, sauf à envisager sa destruction, il faut composer dans les affaires du monde. Un exercice pour lequel les États-Unis au fil de leur histoire n’ont guère montré d’aptitudes particulières. On sait par R. Gates, ancien chef de la CIA puis du Pentagone, que juste après la disparition de l’URSS, on envisageait déjà en haut lieu à Washington de provoquer le démantèlement de la Russie. Peu après, Paul Wolfowitz, secrétaire adjoint à la Défense entre 2001 et 2005 lors du mandat de Georges W. Bush ne dira pas autre chose quand il écrivait le 7 mars 1992 dans le New York Times : «Notre premier objectif est d’empêcher la réémergence d’un nouveau rival, sur le territoire de l’ex-Union soviétique ou ailleurs, qui représente une menace de l’ordre de celle que représentait autrefois l’Union soviétique. (…) Alors que les États-Unis soutiennent l’objectif de l’intégration européenne, nous devons chercher à empêcher l’émergence d’arrangements de sécurité qui pourraient affaiblir l’OTAN(…)". (7)

L’enjeu ukrainien est ainsi au centre d’une rivalité de puissance entre la Russie et les États-Unis, ces derniers cherchant par tous les moyens, au-delà de l’Ukraine, à affaiblir la Russie, notamment en sabotant les tentatives de cette dernière de créer un vaste espace unifié d’échanges économiques avec les ex-républiques soviétiques. Stratégie occidentale qui parait d’autant plus agressive et indéfendable qu’elle est mise en œuvre au moment même où, de son côté, l’Europe a des objectifs d’intégration économique, voire politique, non seulement de l’espace de l’Union européenne mais bien au-delà, de l’espace transatlantique avec les États-Unis et le Canada dans le cadre du TTIP ou du CETA (8).

On sait que lorsque des puissances ont pour politique d’empêcher à tout prix une autre puissance de faire ce qu’elles font elles-mêmes, elles contribuent plus sûrement à la guerre qu’à la paix…Affaiblir la Russie est en effet l’obsession des États-Unis et de leurs vassaux européens, tout particulièrement en Ukraine. Alors qu’il aurait été de l’intérêt non seulement de la Russie, mais aussi de l’Europe en général, et plus encore des Ukrainiens, que l’Ukraine devienne un pont économique et pacifique entre l’Est et l’Ouest de l’Europe, les États-Unis et l’Union européenne en ont décidé autrement. Pour affaiblir la Russie, ils ont opté pour la stratégie consistant à arrimer à tout prix l’Ukraine à l’Occident, faisant de cette dernière un pion, ou plutôt une pièce des États-Unis en Eurasie, espace que Z. Brezinski appelait d’ailleurs Le grand échiquier et où, selon lui, se jouait l’avenir des États-Unis comme «puissance globale». Sauf qu’arrimer l’Ukraine à l’Occident pour nuire à la Russie ne pouvait que conduire l’Ukraine vers la guerre.                                                                                             

On sait en effet que si cette stratégie convenait à l’Ouest ukrainien, traditionnellement antirusse et tourné vers l’Occident, elle ne pouvait convenir à l’Est, traditionnellement russophile et russophone. Prendre possession de l’Ukraine nécessitant de s’allier à une partie de l’Ukraine contre une autre, la stratégie euro-atlantique ne pouvait donc que conduire vers l’éclatement du pays et la guerre civile. D’autant plus sûrement qu’ayant besoin sur place de forces, voire d’hommes de mains, les États-Unis s’appuyaient sur la nébuleuse néonazie, forte principalement en Ukraine occidentale, qui glorifie depuis longtemps les figures de nazis ukrainiens (9). Cette mouvance est même parvenue à obtenir l’accord complaisant des autorités gouvernementales pour procéder à la réhabilitation et glorification officielles de ces collaborateurs. Un processus de révision complète de la 2ème Guerre mondiale que les États-Unis ont couvert, y compris par leur vote à l’ONU, alors qu’il est notoire que les figures officiellement glorifiées par Kiev depuis 2010 avaient participé aux exterminations génocidaires du IIIème Reich (10). L’Est de l’Ukraine ayant  sur cette même période historique un regard totalement opposé à celui de l’Ouest, les États-Unis ont donc également contribué à une guerre des mémoires. Les enjeux mémoriels s’ajoutant à ceux de la politique au présent, tout était donc en place, dès 2014, pour une guerre inexpiable.
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(1) Nous verrons plus loin en détails que cette extrême droite est plus précisément d’obédience néonazie. Voir plus bas les sections : Quand l’UE et Le Monde voyaient, quand l’UE et Le Monde ne voient plus ;  Les protégés de l’UE ; L’alliance occidentale avec le néonazisme.
(2) Voir Pierrick Tillet, «Le coup d’Etat ukrainien a bien été piloté par les Etats-Unis : la preuve», L’Obs, 25 janvier 2017. Voir «La politique-système» des USA en Ukraine mis à nu», Le Club Mediapart, 24 janvier 2015. Voir Jacques Baud, Opération Z, Paris, Max Milo, 2022, p. 59.
(3) Hubert Védrine, Les mondes de François Mitterrand, Paris, Fayard, 1996, p. 602.
(4) C’est le thème développé par l’Américain Zbignew Brezinski dans Le grand échiquier. Unlivre que les atlantistes de tout poil n’aiment pas voir cité. A sa lecture, on comprend vite pourquoi. Il fait en effet apparaitre que les motivations géopolitiques des Etats-Unis sont en contradiction flagrante avec la moraline pro américaine autour des ‘’valeurs’’ qui semble être l’ingrédient principal des analyses de plateau. Faut-il préciser que si l’idiome géopolitique évoqué plus haut est une langue étrangère au journalisme atlantiste et par conséquent à l’opinion,  il est une langue que maitrise parfaitement Z. Brezinski, qui en fait même un outil indispensable à son analyse du monde. Une analyse dont le but avoué cyniquement est de perpétuer le règne planétaire des Etats-Unis en empêchant qu’il soit menacé par des puissances rivales. Bien que publié en 1997, ce livre reste donc d’une brûlante actualité. Compte tenu du parcours éminent de Zbignew Brezinski, exclure son Grand Echiquier est un exercice difficile, même si ceux qui le tentent ne sont plus à ça près. Rappelons tout de même que Zbignew Brezinski a marqué la politique étrangère étasunienne des années 70 jusqu’à sa mort en 2017. Il en fut même un personnage central. Chef du Conseil de Sécurité des Etats-Unis sous la présidence de Jimmy Carter (1976-1980), il fut aussi conseiller de Georges W. Bush puis de Barak Obama. Bref, un personnage incontournable tant pour son action que par ses écrits. On a quelques raisons de penser que nos experts atlantistes ne feraient pas la sourde oreille si un personnage central de la politique étrangère russe avait non moins cyniquement expliqué dans un ouvrage de son crû tout ce qu’il convenait de faire pour perpétuer la puissance russe dans le monde, traitant sans détour ses alliés de vassaux, se comparant volontiers à l’Empire romain, empire que l’on sache plutôt conquérant et impitoyable avec ses ennemis, et qui affirmerait sans vergogne que l’empire russe a une vocation planétaire et doit durer au moins une génération supplémentaire…
(5) Voir la conférence de Georges Friedman du 14 avril 2015 : https://www.tv83.info/2023/03/14/les-premisses-de-la-guerre-en-ukraine/…; Voir aussi  Michel Collon, Ukraine, la guerre des images, Investig’action, avril 2023, p. 260-61.
(6) Dès la nouvelle de leur dynamitage le 26 septembre 2022, la probabilité qu’il soit le fait des Russes paraissait extrêmement faible sinon nulle. Ne serait-ce que pour des raisons géographiques basiques. En effet, en dehors de la Russie, la Mer baltique est une mer étroite et fermée dont les côtes sont presque exclusivement sous le contrôle de pays appartenant au camp occidental : soit ils sont dans l’OTAN (Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Allemagne et Danemark), soit sont en instance de l’être (la Suède et la Finlande). Environnement très surveillé qui interdit les déplacements discrets ou secrets de navires russes indispensables pour procéder à un tel dynamitage. En dehors d’être un «lac occidental», la Mer baltique a une autre caractéristique : ses fonds sont très hauts, la profondeur étant en moyenne de 55 mètres, ce qui rend d’autant plus facilement repérables les éventuels déplacements de sous-marins russes par les moyens de surveillance. Alors que ces éléments rendent invraisemblable une action russe, ceux qui indiquent une action américaine sont en revanche très nombreux. En dehors de l’hostilité publique du pouvoir américain à la construction de Nord Stream II, ajoutons la déclaration de Biden du 7 février 2022, où il revendiquait sa volonté d’y mettre un terme si la guerre en Ukraine éclatait. Le vétéran américain de la presse, Seymour Hersch est venu confirmer avec de nombreux détails l’implication des services américains dans le dynamitage. Pour une information complète sur cette affaire, voir Michel Collon, Ukraine, la guerre des images, Ed. Investig’action, 2023, p. 330-39.  
(7) New York Times, 07-03-1992. Voir Jacques Baud, Ukraine entre guerre et paix, Paris, Max Milo, 2023, p. 13.
(8) TTIP ou TAFTA, est un projet d’accord commercial entre l’Union européenne et les Etats-Unis en vue d’un grand marché transatlantique. Le CETA est son équivalent avec le Canada.
(9) Nous revenons plus bas sur cette question du néonazisme ukrainien, notamment dans les trois sections suivantes : Quand l’UE et Le Monde voyaient, quand l’UE et Le Monde ne voient plus ;  Les protégés de l’UE ; L’alliance occidentale avec le néonazisme.
(10) De 2005 à 2021, seuls les Etats-Unis et l’Ukraine s’opposent chaque année à une résolution de l’ONU condamnant toute glorification du nazisme.  Proposée tous les ans par la Russie, cette résolution obtient régulièrement une nette majorité, sauf les voix des deux Etats suscités, parfois rejoints par le Canada. En 2022, contrairement aux autres années, la France ne s’est pas abstenue : aux côtés de tous les Etats de l’OTAN, sauf la Turquie, elle a voté avec l’Ukraine et les Etats-Unis contre la résolution. Voir Le Figaro, 08-11-2022. Voir Jacques Baud, Opération Z, Paris, Max Milo, 2022, p. 78. Ajoutons que la Russie n’est pas la seule à s’inquiéter de la résurgence du nazisme en Ukraine. En avril 2018, 50 députés américains alertaient eux-mêmes leur gouvernement  sur  «la montée de la glorification des responsables de l’époque de l’Holocauste dans toute l’Europe». Voir The Times of Israel, 25-04-2018 : «Congress members urge stand against Holocaust denial in Ukraine, Poland». Cité par Jacques Baud, Opération Z, opus cité, p. 73

Qui a mis fin à la souveraineté de l’Ukraine ? (2)
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