Principe 6 : Éradiquer l’esprit de marché, promouvoir la solidarité, la coopération, l’altruisme…

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Solidarité

 

Dans la société capitaliste centrée sur le marché, la vie quotidienne est envahie par toutes sortes de marchés. Ils sont fondés sur les motivations du profit résultant du rapport de force concurrentiel pour ceux qui mettent les produits et services sur le marché, et bien souvent par le paraître ou la jalousie pour l’acquisition des biens et services qui ne relèvent pas de la subsistance. Telles sont les échelles de valeurs dans la société capitaliste qui, dans toutes ses dimensions essentielles, devient soumise à des objectifs lucratifs. Ce n’est pourtant pas dans la nature de l’être humain. Car les historiens et anthropologues montrent que l’être humain n’agit pas, globalement, pour son simple bénéfice personnel dans les affaires économiques et plus généralement dans la société. La nature de l’homme ne le pousse pas spontanément à échanger ou à chercher un gain matériel. L’anthropologie et l’histoire révèlent au contraire une variété de motivations humaines comme la solidarité, le devoir, le statut, l’honneur, à côté de la recherche du profit. Pour Aristote, la « vie bonne » est pervertie en un désir de biens physiques. La vie bonne, hormis la satisfaction des besoins substantiels, est celle de l’élévation que procure le théâtre, le service que l’on rend en participant à un jury populaire, une campagne pour des élections, l’exercice d’une charge publique…
La mentalité de marché est obsolète et dangereuse, elle doit être éradiquée, les motivations dominantes ne doivent plus être économiques.

La forme capitaliste du marché est une création récente

Le marché n’est pas une « loi » de développement économique, et encore moins une loi « naturelle ».
L’économie de marché, contrairement à une croyance savamment entretenue, résulte d’une discontinuité historique. C’est une rupture radicale et non l’aboutissement d’un processus millénaire d’évolution graduelle des sociétés et de l’économie en particulier, fondée sur la prétendue propension naturelle de l’homme à troquer et à échanger. Dans le monde antique par exemple, l’activité économique ne passe pas de manière significative par le marché. Le commerce et les usages de la monnaie, qui existent, n’impliquent pas nécessairement les marchés et ont existé séparément pendant la plus grande partie de l’histoire économique. Des « marchés non faiseurs de prix » ont ainsi longtemps existé avant l’apparition des premiers marchés faiseurs de prix dans la Grèce des périodes classique et hellénistique. Ce n’est que dans l’économie de marché moderne impulsée par le capitalisme que ces différents éléments se trouvent intimement reliés, et constituent un système intégré. Dans les économies antérieures, en particulier antiques, ils entraient dans des arrangements institutionnels réglés principalement par la réciprocité ou la redistribution, qui ne remettaient pas en cause l’imbrication des activités économiques dans les institutions non économiques de la société.
Le commerce extérieur et certains usages de la monnaie sont aussi vieux que l’humanité, comme les dettes et les obligations. Ce sont des phénomènes primitifs qui ont précédé l’existence des marchés. À l’origine, les prix sont établis par la tradition ou l’autorité « politique ». Le changement de prix, lorsqu’il intervient, résulte également de méthodes institutionnelles, et non de méthodes de marché. Même là où des éléments de marché sont présents, ils n’impliquent pas nécessairement l’existence d’un mécanisme de prix-offre-demande.
Le commerce apparaît à première vue comme le mouvement des biens sur le marché, et la monnaie comme le moyen d’échange qui facilite ce mouvement. On ne peut plus défendre ce point de vue à la lumière des découvertes de ces dernières décennies. Par exemple dans sa recherche sur l’origine de certaines institutions économiques, Max Weber a montré que le commerce avec l’étranger a précédé le commerce interne, que l’emploi de la monnaie pour l’échange trouve son origine dans la sphère extérieure. Les marchés organisés se sont d’abord développés dans le commerce extérieur. Le commerce peut être défini comme une méthode d’acquisition de biens qui ne sont pas disponibles sur place, c’est une activité extérieure au groupe, l’acquisition de biens situés à distance. Il existe ainsi le commerce non fondé sur le marché (essentiellement le commerce de don et le commerce administré) et le commerce de marché. Le commerce extérieur s’est donc développé avant le commerce interne, la monnaie et les marchés.
Cependant, l’idéologie dominante prône l’unité inséparable du commerce, de la monnaie et des marchés. Là où on observe du commerce, on suppose la présence de marchés, et là où la monnaie est manifeste, on suppose l’existence du commerce et donc des marchés. La plus grande partie de l’histoire économique, le commerce, les usages de la monnaie et les éléments de marché ont pourtant été présents séparément.
C’est le commerce extérieur qui a commencé à pénétrer dans les marchés locaux et non l’inverse. Il a transformé progressivement ces derniers, strictement contrôlés par le prince, en « marchés faiseurs de prix » fluctuant plus ou moins librement. Apparaissent ensuite des marchés à prix variable pour les facteurs de production, le travail et la terre. Seuls les marchands et les banquiers utilisaient couramment la monnaie. Le domaine des prix était réservé au « grand » commerce et à la finance, tandis que la plus grande partie de l’économie demeurait rurale et globalement non commerciale. C’était la vie de voisinage qui prévalait, très peu de biens circulaient. Les profits résultaient des différences relativement stables de prix entre des lieux éloignés, plutôt que de fluctuations exceptionnelles de prix sur les marchés locaux. Le mécanisme d’offre-demande-prix (le marché) est ainsi une institution relativement moderne, dotée d’une structure spécifique.

Il n’existe pas, au cours de l’histoire, de tendance universelle chez l’être humain à être mû essentiellement par l’appât du gain

Pour l’idéologie néoclassique, la nature de l’être humain est d’être froid, calculateur, rationnel, individualiste, motivé par la concurrence et l’appât du gain. C’est ainsi que la société du XIXe siècle (le capitalisme) a été organisée, de telle manière que l’on a fait de la faim et de l’appât du gain les seuls mobiles effectifs de la participation de l’individu à la vie économique. Il en a résulté l’image totalement erronée d’un homme mû exclusivement par des incitations matérialistes.
Des historiens, sociologues, anthropologues, archéologues ont pourtant révélé diverses motivations non orientées vers le profit qui poussaient l’être humain à produire (solidarité, coopération, altruisme, etc.). Parmi les principes fondamentaux qui ont présidé au développement des institutions économiques originelles des sociétés, le besoin de maintenir la solidarité collective occupe la première place. Il existe néanmoins un net contraste entre les rapports humains intérieurs au pays et les relations avec l’étranger : ici domine la solidarité, là l’antagonisme.
Cette pratique marchande exacerbée, une fois imposée, allait pervertir de façon désastreuse la vision que l’occidental avait de lui-même et de la société. L’esprit du marché aboutit désormais à déterminer la presque totalité de la société.
Les motivations, les comportements, les institutions, les lois, sont devenus spécifiquement économiques, uniquement orientés pour servir l’économie et les classes dirigeantes qui la contrôlent. On peut même se représenter l’évolution du système capitaliste comme fonctionnant sans l’intervention d’une autorité humaine, d’un État ou d’un gouvernement, en pilotage automatique en quelque sorte. C’est déjà le cas dans certains domaines avec la prolifération d’instances « indépendantes », les « critères » de Maastricht…
Le Pardem s'appuie sur les aspirations profondes de l'être humain qui sont la solidarité, la coopération, l’altruisme…Pour promouvoir un citoyen actif, coopérateur, co-producteur, co-élaborateur de la décision politique collective.