HÔPITAL PUBLIC : mobilisation générale !

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urgence pour l'hôpital public

 Par Jean-Michel Toulouse, membre du Bureau politique du Parti de la démondialisation

 

Au moment où le personnel hospitalier s'apprête à manifester le 7 juin prochain, il convient d'être bien conscient de ce qui se passe aujourd’hui, concrètement, après des années de « réformes », entendez néolibérales, menées à l’encontre de l’hôpital public et, en parallèle, du démantèlement progressif de la Sécurité sociale. Ces « réformes » sont l’expression de la volonté délibérée de favoriser les marchands de « santé » et les assureurs privés qui ont dans le viseur un marché juteux. Elles proviennent de l’Union européenne qui agit, à pas de loup, directive après directive, sans jamais faiblir !
La date à retenir est l’adoption de la directive services (1) par le Parlement européen, en 2006, après l’échec de la directive Bolkestein. Saviez-vous que la France, présidée par Nicolas Sarkozy avec pour ministre de la Santé Roselyne Bachelot, a décidé de transcrire cette directive explosive, secteur par secteur, avec l’appui du Sénat notamment, dans le but d’éviter une nouvelle levée de bouclier des citoyens ?
Déjà, en 2004, avait été adoptée la tarification à l’acte comme mode principal de financement de l’hôpital public. Puis ont surgi, en 2009, la loi HPST (hôpital, patient, santé, territoire) (1) et en 2010 la création des ARS (Agence de santé régionale), dont le rôle est de moderniser et rationaliser l'offre de soins et de veiller à la bonne gestion des dépenses hospitalières et médicales… Le « new public management », né dans les années 70 aux États-Unis (3) a été imposé à  l’hôpital public, le transformant en une entreprise qui doit prouver sa rentabilité. Loin, si loin, du droit du citoyen à être soigné partout sur le territoire français, selon ses besoins et pas selon ses moyens financiers.
Dans la foulée, les fermetures de maternités et d’hôpitaux de proximité ont explosé depuis 10 ans tandis que des hôpitaux géants, véritables usines à soins, ont été édifiés, selon une cartographie régionale. De plus en plus éloignés des besoins des habitants. Et, de manière synchronisée, les petites lignes de train étaient supprimées, privant des millions de Français de trans-ports. Si l’on ajoute à ce panorama désastreux l’adoption de la directive sur les SSIG (se substituant à la notion de service public qui n’existe pas pour l’Union européenne), la boucle est bouclée. Ainsi l’hôpital public est pris dans les nasses des directives. Les gouvernements qui se sont succédé en France ne sont pas exempts de responsabilité. Ils ont transcrit et mis en œuvre servilement toutes les directives de l’UE. Mais si aucune force sociale, syndicale, politique ne s’attaque aux causes du mal, l’euro-libéralisme, alors l’hôpital public ne sera plus qu’un souvenir dont les nouvelles générations seront privées.

L’hôpital public est menacé de s’effondrer

Rappel des événements clés durant ces dernières années :

  • - 80 000 lits supprimés depuis 2003, y compris par Macron pendant la période du Covid.
  • - Numérus clausus maintenu notamment en raison de crédits insuffisants dans les facultés de médecine
  • - Écoles d'infirmières et de para-médicaux ne faisant pas le plein des places, les conditions de travail et de rémunération proposées étant décourageantes.
  • - Indice de la Fonction Publique Hospitalière bloqué depuis 10 ans.
  • - Plan Ségur de Macron qui n'a rien réglé et qui a simplement "rattrapé" en partie le blocage de l'indice avec des discriminations inacceptables entre personnels soignants.
  • - Destruction des industries de santé qui ont quasiment toutes été "délocalisées" à l’étranger (matériels de bloc opératoire, de radiologie et de laboratoire).
  • - Tarification plus favorable dans le secteur privé que dans le public alors que le privé n'assume ni les urgences, ni la formation des soignants et des médecins, ni les p-thologies complexes et longues.
  • - Installation du New Public Management soignant plus la performance financière  que les malades.
  • - Effondrement des investissements dans les hôpitaux au bénéfice des PPP (partenariat public-privé) qui profitent aux multinationales du BTP (Entreprises de bâtiment et travaux publics) qui se gavent sur le dos de la Sécurité Sociale.
  • - Fermetures de plateaux techniques et de services spécialisés avec la mise en place des GHT (groupements hospitaliers de territoires), alibis des restrictions d’équipements.
  • - Déserts médicaux quasi généralisés, fermeture de 140 services d'accueil des urgences (SAU) ou mise en "mode dégradé" avec un filtrage des SAMU qui ne peu-vent ainsi remplir leur rôle.
  • - Multiplication des "réformes" destructrices depuis Alain Juppé en 1995 : Plan de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) qui fixe un plafond de dépenses pour les soins de ville, l’hospitalisation et des centres médico-sociaux, Carte sanitaire, T2A (tarification à l’acte, en 2004) puis Roselyne Bachelot en 2007, loi HPST, transformation des Conseils d’administration des hôpitaux en chambres d'enregistrement des décisions des directeurs,…) et Marisol Touraine (2015, « modernisation" - destruction de notre système de santé).

Ces opérations mortifères ont été conduites alors que les besoins continuent d’augmenter et que plus de 21 millions de malades sont reçus par les urgences du fait de la faillite du reste du système de santé.
Sont aveugles et sourds ceux qui ne voient pas que cette politique est voulue depuis 40 ans, celle que Macron entend bien poursuivre. Car ce n’est pas son « rapport-flash », opération de communication électorale, qui va apporter des solutions.

Que faire ?

Un mouvement puissant doit mettre un coup d’arrêt à la destruction de l'hôpital public et éviter des morts, faute de soins, cet été ! Le mouvement social, syndical et des citoyens doit se donner des objectifs ambitieux et ne pas se limiter à des demies-mesures.

Certes il est indispensable de :

  • - Réouvrir tous les lits supprimés, réintégrer tous les postes détruits, les personnels soignants licenciés pour refus de vaccination (15 000), et recruter les personnels manquants.
  • - Revaloriser tous les salaires de la Fonction publique hospitalière, toutes les échelles indiciaires et titulariser les CDD et CDI. Faute de quoi, la désertion à laquelle nous assistons pour la première fois dans l'histoire de l'hôpital public s’accroitra.

Mais c’est sur le fond qu’il faut agir :

  • - Supprimer la T2A et les ARS, directement responsables de cette situation.
  • - Rétablir les budgets négociés entre les hôpitaux et les DDASS refondées (Direc-tions départementales de l'Action sanitaire et sociale).
  • - Abolir les lois El Khomri et les ordonnances Macron de 2015 et 2017 et rétablir les CHSCT (Comités d'hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) et les CTE (Comités Techniques d’Établissement).
  • - Démocratiser des Conseil d'administration rétablis et comprenant 4 forces : le personnel médical et non médical, les élus, les représentants de la Sécurité Sociale (principal financeur de nos hôpitaux) qui en ont été exclus et les usagers.
  • - Fusionner les CME (Commission médicale d'établissement) et les CTE rétablis dans un unique Conseil d’Établissement.
  • - Instituer la majorité absolue pour le personnel dans les CA, seul moyen d'établir une réelle démocratie sanitaire.
  • - Refonder l’EHESP (École des Hautes Études en Santé Publique) qui est devenue une école de commerce soumise à l'idéologie de "l'hôpital-entreprise" et du "New Public Management", et la rétablir dans sa fonction de formation de tous les cadres du service public hospitalier.
  • - Supprimer tous les PPP (partenariats public-privé)  et financer les investissements hospitaliers et les nécessaires équipements par le circuit du Trésor (comme entre 1945 et 1975) et un pôle public bancaire. Rappelons que ce système a permis, mal-gré les ruines de la Deuxième Guerre mondiale, que la France mette en place l'un des systèmes de santé les plus performants au monde.
  • - Abroger les ordonnances de 1967 et remettre en place une gestion salariale exclusive de la Sécurité sociale.

Et comment financer rétorqueront ceux qui ne veulent rien faire !

Le financement de toutes les mesures présentées ci-dessus est tout à fait possible, il s'agit-là d’un choix politique.
Si cette détermination politique n’existe pas c'est tout notre système de santé qui est menacé de destruction au seul profit des assurances privées et des fonds nord-américains et autres qui observent leur proie comme un charognard un animal blessé.

Ceux qui prétendent que ces mesures ne seraient pas "réalistes" doivent rabaisser leur caquet car il suffit de considérer les éléments suivants :

  • - La fraude fiscale et ce que le néolibéralisme nomme « optimisation fiscale » coûte à l’État plus de 100 milliards d'euros chaque année. Il faut y mettre fin.
  • - Instituer un véritable impôt sur la fortune (ISF), qui rapportera 10 milliards d'euros.
  • - Ré-instituer l’impôt progressif sur les revenus, les sociétés et le patrimoine (rappelons que les actionnaires se sont gavés depuis 30 ans, la part du capital ayant gagné 10% sur la part travail).
  • - Affecter l’argent aux besoins populaires et non au sauvetage des banques et des multinationales comme en 2007-2008 : des centaines de milliards d'euros leur ont été versés sans contreparties, après la « crise » (faillite capitaliste et financière), puis lors de la « crise » sanitaire.
  • - Affecter l'argent des prêts garantis par l'État (PGE), aux besoins des citoyens et non aux multinationales et aux banques.
  • - Mettre en place une TVA forte sur tous les produits de luxe que seule une minorité d'ultra-riches peut s'offrir.
  • - Résorber le chômage de masse, ce qui permettra notamment de générer un afflux de cotisations à la Sécurité Sociale.
  • - Faire payer immédiat toutes les dettes du patronat dues à l’État et à la Sécurité sociale.

Nul ne pourra dire  « Ah ! je ne savais pas ! » Alors action !

1.    https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/vademecum_loi_HPST.pdf et https://www.federationaddiction.fr/app/uploads/2012/02/pj1_Loin2009879du21juillet2009HPST.pdf
2.    https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:32006L0123
3.    https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle_gestion_publique

Pour en savoir plus sur le programme santé propose par le Pardem : https://www.pardem.org/la-sante-dans-le-piege-neoliberal-video