Pourquoi la Commission européenne veut élargir l'espace Schengen

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Espace Schengen

 

Cela fait plusieurs années que la Commission européenne (CE) réclame l'élargissement de l’espace Schengen, zone dite de “libre circulation”, à l’intégralité des pays membres de l’Union européenne. L'espace Schengen regroupe actuellement 26 pays (420 millions d’habitants) dont “seulement” 22 États-membres de l'UE et 4 États associés : Norvège, Islande, Suisse et Liechtenstein. Les cinq États-membres de l'UE ne faisant pas partie de l'espace Schengen sont l'Irlande, la Croatie, la Roumanie, la Bulgarie et Chypre. Les ministres de la Justice et de l'Intérieur de l'UE doivent procéder à un vote sur ce sujet lors d'une réunion prévue le 8 décembre. L'unanimité des 27 États-membres est nécessaire pour autoriser la levée des contrôles aux frontières avec ces trois pays.

La Commission européenne réclame cet élargissement de longue date, avec le soutien du Parlement européen, Elle demande au Conseil de l’UE (1), qui réunit les ministres concernés des 27 États-membres, de « prendre les décisions nécessaires sans plus de délai pour autoriser la Bulgarie, la Croatie et la Roumanie à participer pleinement à l'espace Schengen ». La CE justifie sa demande en affirmant que ces trois pays respectent les règles nécessaires et les critères d’adhésion.
Notons au passage que la CE, non élue, demande au Conseil, composé de ministres majoritairement non élus, de prendre des décisions qui vont impacter fortement l’immigration dans les pays de l’UE sans que les citoyens des divers pays ne soient consultés (voir la note en bas de page).

L’objectif est clair…

La Bulgarie, la Croatie et la Roumanie sont rongés par la corruption, la criminalité organisée et e terrorisme… Et leur entrée dans l’Espace Schengen n’a pas pour but, contrairement à ce que prétend la Commission européenne, de combattre ces sous-produits du capitalisme. Car l'effacement des frontières intérieures n’a pas pour corollaire un renforcement des frontières extérieures de l'espace Schengen. En effet, si les États-membres se trouvant aux confins de l’UE ont la responsabilité d'organiser des contrôles rigoureux aux frontières de “l’espace”, il y a loin de la théorie à la pratique. En ouvrant, encore plus, les portes de l’immigration sans contrôle réel, l’UE compte bien sur un afflux de travailleurs immigrés pour faire pression à la baisse, sur les salaires, les conditions de travail, le droit syndical, etc, ainsi que sur une extension de la coopération policière entre tous les États membres pour lutter contre les voix dissonantes et les peuples.

Décidément, fidèle à sa construction néolibérale, l’UE va importer massivement de la main d’œuvre à bon marché, nécessaire, en particulier, à l’économie allemande et au patronat “européen”.

Fantasme ? Complotisme ? Non ! Voici ce que dit la Commission : « Un espace Schengen élargi, sans contrôle aux frontières internes, rendra l'Europe plus sûre, à travers la protection renforcée de nos frontières extérieures communes et une coopération policière efficace, plus prospère, en supprimant le temps perdu aux frontières et en facilitant les relations d'affaires »…

Une promesse de prospérité pour les patrons qui aura vite raison des pseudos réticences de certains pays qui réclament (une nouvelle fois) des efforts en matière de lutte contre la corruption en Roumanie, en Croatie et en Bulgarie avant de donner leur feu vert.

Note sur le fonctionnement du Conseil européen
1 - Entité légalement unique, le Conseil siège en de multiples « formations », chacune s'occupant d'un secteur d'intérêt en particulier. Si officiellement Il n’existe aucune hiérarchie entre les différentes formations du Conseil, le Conseil des affaires générales exerce une fonction de coordination et a une compétence exclusive pour les questions institutionnelles, administratives et horizontales.
Seuls le Conseil des affaires générales et le Conseil des affaires étrangères sont inscrits dans le traité sur l'Union européenne (TUE). Selon son article 16, « Le Conseil siège en différentes formations, dont la liste est adoptée conformément à l'article 236 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Le Conseil des affaires générales assure la cohérence des travaux des différentes formations du Conseil. Il prépare les réunions du Conseil européen et en assure le suivi en liaison avec le président du Conseil européen et la Commission. Le Conseil des affaires étrangères élabore l'action extérieure de l'Union selon les lignes stratégiques fixées par le Conseil européen et assure la cohérence de l'action de l'Union ».
Chaque formation du Conseil est composée d’un représentant de chaque État membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de l’État membre qu’il représente et à exercer le droit de vote. Les rencontres sont irrégulières, sauf pour les trois premiers listés ci-dessous, qui se réunissent une fois par mois. Il existe actuellement dix formations :
1.    Affaires générales : Assure la cohérence des travaux des différentes formations du Conseil, il prépare les réunions du Conseil européen et en assure le suivi en liaison avec le président du Conseil européen et la Commission européenne. Elle est composé des ministres des Affaires européennes.
2.    Affaires étrangères :  Élabore l’action extérieure de l’UE selon les lignes stratégiques fixées par le Conseil européen et assure la cohérence de cette action. Elle est responsable de la conduite de l’ensemble de l’action externe de l’Union européenne, à savoir la politique étrangère et de sécurité commune, la politique de sécurité et de défense commune, la politique commerciale commune, ainsi que la coopération au développement et l’aide humanitaire. Il est composé des ministres des Affaires étrangères.
3.    Affaires économiques et financières (ECOFIN) : Responsable de la politique économique, des questions fiscales, des marchés financiers et des mouvements de capitaux, ainsi que des relations économiques avec les pays qui ne font pas partie de l'UE. Elle établit également le budget annuel de l'UE. Elle coordonne les positions adoptées par l'UE pour les réunions du G20, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM). Les ministres des États membres de la zone euro se réunissent la veille du Conseil ECOFIN au sein de l'Eurogroupe pour coordonner les politiques économiques des États de la zone euro.
4.    Agriculture et pêche : Regroupe une fois par mois les ministres de l'agriculture et de la pêche, et les commissaires à l'agriculture, à la pêche, à la sécurité alimentaire, aux questions alimentaires et à la santé publique.
5.    Justice et affaires intérieures : Concerne à la fois les ministres de la Justice et ceux de l'Intérieur.
6.    Emploi, politique sociale, santé et affaires relatives à la protection des consommateurs : Composée des ministres de l'emploi, de la protection sociale, de la protection des consommateurs, de la santé et pour l'égalité des chances.
7.    Compétitivité : Composé de ministres des affaires européennes, de l'industrie, du tourisme et de la recherche.
8.    Transports, télécommunications et énergie : Se réunit généralement une fois tous les deux mois.
9.    Environnement : se réunit quatre fois par an.
10.    Éducation, jeunesse, culture, politique audiovisuelle et sport : Composée des ministres de l'Éducation, de la Jeunesse, de la Culture, des Communications et de l'audiovisuel, se réunit 3 ou 4 fois par an.