En Italie, comme ailleurs, la question de la démocratie

Par Joël Perichaud, secrétaire national du Parti de la démondialisation chargé des relations internationales

Le 15 juin 2018

constitution italienne

Dans un sens néolibéral, on peut dire que les grands médias, dans toute l'Europe, font bien leur travail. Ils ont été, en effet, quasi unanimes à imputer le refus de la nomination de Paolo Savona au ministère de l'Économie, à la coalition M5S–Lega. Ils ont aussi salué, avec force et soutien, la raison invoquée par le président de la république italienne Sergio Mattarella.

Celui-ci aurait simplement usé de son pouvoir constitutionnel pour maintenir l'Italie dans la zone euro et donc dans la « stabilité économique ».

Revenons donc sur le discours de Mattarella du 27 mai dernier.

L'objet n'est pas de débattre sur les accords et désaccords avec le programme de la coalition M5S–Lega. La question est simplement celle de la démocratie. On peut même dire de la démocratie avec un D majuscule, le respect de la constitution et des institutions. Le président de la République italienne doit non seulement en respecter la lettre mais aussi l'esprit.

 

Le président Mattarella a justifié son refus de nomination en vertu de l'article 92 de la constitution italienne. Que dit ce cours article ?

"ART. 92

Le Gouvernement de la République est composé du Président du Conseil et des ministres qui constituent ensemble le Conseil des ministres.

Le Président de la République nomme le Président du Conseil des ministres et, sur proposition de celui-ci, les ministres."

Le texte de l'article 92 ne précise pas, explicitement, si le choix présidentiel est discrétionnaire c’est-à-dire libre de porter une appréciation sur l'utilité et l'opportunité d'une décision à prendre, ou pas. Le terme « proposition » est cependant clair et souligne que le président de la République doit se conformer à la proposition, il procède en quelque sorte à la désignation, même si ce n'est pas son choix. Il serait d’ailleurs absurde de penser que le présent de la République puisse choisir lui-même les ministres.

Il est même logique et évident que le président du Conseil, responsable de l'exécutif, choisisse son équipe ministérielle.

Cela ne signifie pas le chef de l'État doive accepter toute proposition. Il est de son devoir de vérifier la « qualité » des candidats présentés c’est-à-dire qu’ils soient dignes de la fonction, autrement dit, hors de conflit d'intérêts, mêmes potentiels, par exemple.

En démocratie, il est inadmissible qu'un candidat soit rejeté parce que ses idées sont jugées « dangereuses ». Mais attention nous ne parlons pas ici d’idées haineuses, xénophobes ou antidémocratiques. Nous parlons d'idées différentes ou contraires à celles de l'oligarchie néolibérale européenne. Nous parlons simplement d'une remise en cause des politiques d'austérité dictées par l'Allemagne et l'Union européenne.

En fait, l'article 92 a été interprété par les constitutionnalistes italiens, à de très rares exceptions près, dans le sens que nous indiquons, et pendant des décennies la pratique institutionnelle a évolué dans ce sens. Le président de la République n'est pas un « notaire », pas même un décideur, parce que, par rapport au gouvernement, il est un « tiers ». Son rôle est de s'assurer du respect des règles constitutionnelles, pas d'en ajouter de nouvelles.

Le gouvernement Conte - Di Maio – Salvini était clairement l'expression d'une majorité politique de sorte que le président Mattarella aurait dû l’accepter en l'état et ne pas s’occuper du choix des individus.

Mattarella est un adepte de la « démocratie bloquée » : si les ministres lui plaisent et si il est d'accord avec le programme du gouvernement, tout va bien. Dans le cas contraire, il empêche le gouvernement de se former et/ou d'exercer. Il s'est donc arrogé une fonction qui n’était pas la sienne et surtout s'est opposé à la volonté populaire librement exprimée. Le 27 mai Mattarella a clairement dit aux Italiens que leur vote n'avait aucun poids, qu'il était interdit d'avoir des opinions contraires au courant européiste dominant, que l'Italie est une république « démocratique » fondée sur l'équilibre budgétaire et sur le spread, qu'il fallait obéir à l'Allemagne et s'incliner devant les traités européens. Cette injonction a été immédiatement suivie par la désignation de Carlo Cottarelli, “Monsieur ciseaux“, pour former un gouvernement aux ordres de Bruxelles.

Cet événement n'est pas à prendre à la légère. Il démontre, une fois de plus, que les institutions européennes et leurs affidés sont prêts à tous les « coups » antidémocratiques pour imposer les politiques néolibérales d'austérité à tous les peuples d'Europe.

Il démontre, une nouvelle fois, qu’il n'y a rien à attendre de gouvernements drogués à l'austérité, à la casse des régimes sociaux, la baisse des retraites et à l'arbitraire de technocrates européens non élus.

Mais le coup de force a fait long feu... Mattarella était « illégitime », et créer un gouvernement acceptable lui était impossible. Une humiliation devant le parlement était probable et les élections qui auraient suivi auraient certainement renforcé le camp des anti UE, des anti euro et des défenseurs de la démocratie… D’où le revirement du président italien.

De leur côté, Di Maio (M5S) et Salvini (Lega) ont, certes un gouvernement, mais pourvu d’un ministre de l’Economie, Giovanni Tria, très accommodant avec l’euro...

Or nous savons que la réussite d’une politique anti-austérité est incompatible avec la monnaie unique.

Le peuple italien lui, comme tous les autres peuples d'Europe, a intérêt à sortir au plus vite de l'Union européenne et de l’euro, condition indispensable pour rompre avec l’austérité.

Lien vers la constitution Italienne : http://www.quirinale.it/qrnw/costituzione/pdf/costituzione_francese.pdf

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