Le Cri du peuple, 4 avril 1871

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Journal de la Commune du 4 avril

Le Cri du peuple, journal quotidien de la Commune de Paris
Rédacteur en chef : Jules Vallès

Extrait du numéro paru le 4 avril 1871

« OUI, en avant ! »

« Nous recevons enfin des nouvelles de la province, - nouvelles certaines, indubitables venues d’un ami éprouvé que nous avions spécialement chargé de cette mission.

Ces nouvelles, les voici :

La province est en ébullition. Indignée déjà des infamies de l’assemblée de Bordeaux, elle est atterrée des infamies de l’assemblée de Versailles.

Malgré l’Officiel de M. Thiers, malgré le nouveau blocus, la vérité a volé par dessus Versailles jusqu’aux plus humbles cités, et la France a vu aisément que Paris l’avait sauvée de la guerre civile par la plus éclatante des révolutions, et que Paris était décidé à l’arracher une seconde fois à ce même danger suprême, où M. Thiers a décidément juré d’engloutir la patrie.

La province a deviné les manœuvres de ces coupes-jarrets aux abois.

Aussi, dès le lendemain du 26 mars, Marseille et Lyon arboraient, au plus haut sommet de l’Hôtel de ville, le drapeau rouge de la Commune, Toulouse, Carbone, Avignon, le Creuzot, Vierzon, Alger, Nîmes, Toulon, envoyaient à leurs frères de Paris l’immense acclamation de la Patrie ressuscitée ; et, du nord au midi, de l’orient à l’occident, s’élevait dans l’air ce frémissement inoubliable qui précède les grandes tourmentes, et qui semble fait de l’enthousiasme et du serment de tout un peuple.

La province avait prévenu Paris. Elle lui avait crié, par la bouche de ses grandes villes : « Marche en avant, nous te suivrons ! »

Et Paris avait marché.

Mais voilà qu’au milieu de la route, devant le marcheur sublime qui, à peine remis sur ses jambes, courait superbement à l’avenir, voilà qu’une foule obscure se dresse, menaçante, exaspérée, hideuse. Elle a mis à sa tête un impitoyable soudard qui attend des ordres, en agitant un sabre nu, et sur une manière blanche semée de fleurs de lys, elle a gravé : « De par ce sabre, tu n’iras pas plus loin. »

« Je suis la trahison, je suis la débâcle, je suis la honte. Mais je suis la force, et j’écraserai Paris en avril, comme Cavaignac l’a écrasé en juin, et Bonaparte en décembre. »

Ces hommes, ce sont les hommes qui ont déchiqueté la patrie pour en vendre les lambeaux.

Ces hommes, - ce sont les hommes qui, le 18 mars, ayant raté la guerre civile, sont allés à Versailles raccommoder leur complot.

Ces hommes, - ce sont les judas immondes qui, après ce double crime, ont préparé une corde… mais pour y pendre la République.

Ces misérables nous les avons, trop longtemps et trop impunément, laissé prépare leur besogne sanglante, et aujourd’hui ils l’ont déjà commencée à coups de fusils.

Leurs soldats hier ont osé tirer sur nos gardes nationaux.

Notre sang a coulé ».