Être laïque c’est agir pour l’abrogation du Concordat

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L’affaire de Strasbourg — le vote du principe d’une subvention publique de 2,5 millions d’euros à l’association Milli Görus pour la construction de l’une des plus grandes mosquées d’Europe, par la majorité EELV — a déclenché des cris d’orfraie et une belle polémique. Le Pardem ne s’est pas exprimé à cette période, tout simplement parce que c’est l’existence même du Concordat qui autorise ce que les principes et les règles de la laïcité interdisent. Peu importe que le financement de la mosquée ait été remis en cause par le désistement de l’association. La véritable question qui se pose à tous ceux qui affirment défendre la laïcité — élus et citoyens — est d’agir rapidement pour mettre un terme au Concordat. D’autant qu’un récent sondage réalisé par l’Ifop (1) montre que 78% des Français, dont 52% en Alsace Moselle, sont favorables à son abrogation. Rappelons-nous que les religions sont affaires de croyance privée et qu’il revient aux croyants de financer les lieux de culte et le salaire des permanents qu’ils se donnent et pas aux pouvoirs publics, pas à la République, pas à l’ensemble des citoyens !

La décision de la municipalité de Strasbourg était donc légale, puisque l’Alsace et la Moselle sont encore sous régime concordataire, concédé par les élus de la République. Ceux-ci n’ont pas voulu appliquer la Loi du 9 décembre 1905 « concernant la séparation des Églises et de l'État » à ces départements quand ils sont redevenus français. C’est la majorité socialiste de la mairie de Strasbourg qui, par délibération municipale en 1999, a élargi le droit local à l’ensemble des cultes autorisés par l’État autorisant ainsi le versement d’une subvention allant jusqu’à 10% du coût de la construction de lieux de culte.
Il existe à Strasbourg, outre 12 autres lieux de culte musulmans, une Grande Mosquée financée par le Maroc et l’Arabie Saoudite, et à laquelle la municipalité socialiste de l’époque a accordé (en 1999) une subvention équivalant à 1,6 M€, ainsi qu’un terrain par bail emphytéotique. Les municipalités successives, de droite comme de gauche, ont accompagné la construction du bâtiment jusqu’à son inauguration en 2012. EELV majoritaire à la Ville de Strasbourg s’inscrit donc dans la continuité des pratiques antérieures.

L’esprit concordataire perdure au sommet de l’État

C’est en tous domaines qu’il s’exerce et s’affiche. En témoigne la loi Debré du 31 décembre 1959, qui permet de financer l’enseignement privé, essentiellement catholique, partout en France. Et tous les dérapages à la loi de 1905 depuis ces dernières décennies sont quasi institués au plus haut sommet de l’État : la participation de nombreux ministres et présidents de la République à titre officiel à de nombreuses manifestations religieuses comme le repas de rupture du jeûne du Ramadan, l’intronisation du président Sarkozy chanoine de Saint Jean de Latran par le Pape, proclamant que « L’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». Sarkozy, encore, créant le Conseil français du culte musulman, après de longues réflexions initiées par les socialistes au pouvoir… Puis Hollande, qui choisit de renier sa promesse de constitutionnaliser la loi de 1905 pour échapper à l’abrogation du concordat d’Alsace-Moselle.
Macron n’échappe pas à cet attachement concordataire : il a déclaré publiquement que trône au sommet de son panthéon personnel Paul Ricœur — qui enseigna pendant dix ans à la Faculté de théologie protestante de Paris puis trois ans, à l'université catholique de Louvain, et fut signataire d’un « Appel pour une réforme de fond de la Sécurité sociale » en soutien à la réforme scélérate d’Alain Juppé en 1995. Le même Macron, discourant devant les autorités de l’Église catholique, souhaitant vouloir « réparer le lien abîmé entre l’Église et l’État ». Quant à sa loi « Pour conforter le respect des principes de la République », elle porte en filigrane un concordat renforcé qui tait son nom. Elle remet insidieusement en cause la loi de 1905 en modifiant son article 19 pour permettre aux associations cultuelles de « détenir et administrer » les immeubles reçus par dons et legs. Et lorsque Macron se mêle de vouloir organiser la formation des imams de France, il outrepasse son rôle de Président de la Ré-publique en piétinant celui de défenseur de la laïcité. Car il n’existe ni un « islam de France » ni une France « fille aînée de l’Église » !

Pour le Pardem il est donc nécessaire :

-    d’abroger le Concordat en Alsace Moselle ; en ce qui concerne le régime spécial de la Sécurité sociale la question est simple à régler : appliquer une Assurance maladie remboursant à 100% tous les soins à tous ;
-    d’appliquer la laïcité partout en France, y compris dans tous les départements et régions d’Outre mer (DROM) ;
- de constitutionnaliser les deux premiers articles de la loi de 1905 :
Article 1 La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
Article 2 La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3.

-    de revenir sur tous les textes et toutes les pratiques qui dénaturent la loi de 1905, à tous les échelons de l’État, sans exception ni dérogation ;
-    d’assurer une complète égalité des citoyens, quels que soient leur religion, leur sexe, leur nom, leur lieu de résidence en France et leur classe sociale ;
-    de rompre, par conséquent, avec les politiques néolibérales porteuses du modèle anglo-saxon que l’Union européenne a adopté dès sa création et qu’elle impose au peuple, exacerbant les divisions entre les individus, organisant la concurrence de tous contre tous, préférant à l’égalité la solidarité  entre les communautés, paupérisant les services publics, menaçant le système de Sécurité sociale, agissant inlassablement en faveur du privé et entretenant le chômage comme arme politique. Rappelons-nous que les « valeurs chrétiennes de l’Europe » étaient inscrites dans le Traité constitutionnel européen et que le drapeau même de l’UE a été conçu sur le modèle de ces dites valeurs : le bleu marial et les douze étoiles de la couronne de Marie (2).

 

(1) Étude Ifop pour le Grand orient de France réalisée par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon représentatif de 1009 Français, repré-sentatif de l’ensemble de la population vivant en France métropolitaine âgée de 18 ans et plus, et d’un échantillon de 801 Alsaciens-Mosellans, représentatif de la population d’Alsace-Moselle âgée de 18 ans et plus.
(2) Publié dans Le Monde, le 12 octobre 2017 : « Finalement, le projet retenu re-prend le cercle d’étoiles sur un fond azur. Le fonctionnaire européen qui a dessiné le drapeau, Arsène Heitz, était un fervent catholique. Il a raconté bien plus tard qu’il avait tiré son inspiration de la médaille miraculeuse de la Vierge Marie, qui la représente entourée de douze étoiles d’or. Nos confrères de La Vie citent aussi un texte religieux qui décrit Marie comme « une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles ». Le bleu est également la couleur associée à la mère de Jésus, qui fait l’objet d’une vénération particulière dans les religions catholique e