UE : le grand barnum est en marche !

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Macron - UE

par Joël Perichaud, Secrétaire national du parti de la démondialisation aux relations internationales

La Cour constitutionnelle polonaise a rendu le 7 octobre un arrêt remettant en cause la primauté du droit européen sur les droits nationaux, que tous les europhiles béats considèrent comme un des fondements de l’UE. « Le Tribunal constitutionnel a reconnu que la tentative d’ingérence de la CJUE dans le système judiciaire polonais remet en cause les principes d’État de droit, de la primauté de la Constitution polonaise ainsi que le principe de sauve-garde de la souveraineté dans le processus d’intégration européenne », Les réactions des institutions de l’UE nous donnent la vérité des prix : la Commission a publié un communiqué, dans lequel elle affirme qu’elle « n’hésitera pas à utiliser tous ses pouvoirs », pendant que David, Sassoli, Président du parlement européen tweetait : « La primauté du droit européen ne peut être mise en cause. La mettre en cause, c’est s’attaquer à l’un des principes fondateurs de notre Union ». En fait la Cour constitutionnelle polonaise remet en cause le rôle de la Cour de justice de l’Union européenne, (CJUE) tribunal qui s’arroge le pouvoir de créer un ʺdroit européenʺ au-dessus du droit des Nations.
En France, si le gouvernement par la voie de Clément Beaune, secrétaire d’État aux Affaires européennes, condamne sans surprise « une attaque contre l’Union européenne » en affirmant : « C’est gravissime. Ça n’est pas un sujet technique ou un sujet juridique. C’est un sujet éminemment politique, qui s’inscrit d’ailleurs dans une longue liste de provocations à l’égard de l’UE », Arnaud Montebourg s’est réjoui de la décision du tribunal constitutionnel polonais : « L’affirmation par la Pologne de sa souveraineté nationale par le droit est un événement important. La France, qui ne partage pas les mêmes orientations politiques que la Pologne, devra néanmoins procéder à la même affirmation de la supériorité de ses lois sur les décisions européennes ». D’autres candidats à l’élection présidentielle réagissent dans ce sens. Michel Barnier défend la nécessité d’une « souveraineté juridique » de la France et Xavier Bertrand propose d’introduire dans la Constitution « un mécanisme de sauvegarde des intérêts supérieurs de la France. Lorsque ceux-ci sont en jeu, la souveraineté populaire doit primer » ! Au-delà des belles paroles électorales on pourrait se gondoler de rire (jaune) car les traités européens (Lisbonne, TFUE) ne laissent aucun doute possible : ce sont les textes de l’Union européenne (le droit communautaire) qui s’appliquent avant le droit national et c’est bien cela le vrai problème que le Pardem dénonce depuis des années. Aucune autre alternative n’est possible que celle de la sortie de ce système supranational créé au service exclusif du néolibéralisme. Frexit !
 

Et… Macron prend la présidence de l’UE en janvier 2022

C’est dans ce contexte que le 1er janvier 2022, la France entamera sa 13e présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, la première depuis le second semestre 2008. La presse aux ordres se régale tout émoustillée par cet « événement ». Macron, qui se voit depuis longtemps déjà en grand chef à plumes de l’UE, va tout faire péter (en novlangue : “bouger les lignes”). L’Union européenne va enfin avancer (en novlangue : agir pour les « Européens »). Bref, on va voir ce qu’on va voir ! Or le rôle de la présidence est surtout symboliquo-honorifique, celui d’une marionnette sous domination de la Commission.

Depuis 1959 et la première présidence française de l’UE, l’intitulé et le calendrier ont changé :
- L’intitulé fut d'abord « Présidence du Conseil des Communautés européennes » jusqu’à l’adoption du traité de Maastricht en 1992 ;
-Tandis que la France présidait tous les 3 ans l’institution composée de 6 membres, elle doit patienter 13 ans (26 Etats membres). Coup de chance compte tenu du Brexit, la présidence française a été légèrement avancée par rapport au calendrier initial. Cela tombe à pic pour Macron à quelques mois de l’élection présidentielle. Sa ferveur européiste et sa fièvre réformatrice vont pouvoir exprimer tout son potentiel ! Le prince des mots tordus et ses amis propriétaires des gros médias français frétillent d’aise. Mais pourtant… quel cirque !

En réalité, le Conseil de l’Union européenne n’a qu’un rôle de second plan

Ainsi donc chaque pays de l’Union européenne préside à tour de rôle le Conseil de l’Union européenne pour une période de six mois. Prenant la suite de l’Allemagne (juillet à décembre 2020), du Portugal (janvier à juin 2021), de la Slovénie (juillet à décembre 2021), la France assurera la présidence tournante de janvier à juillet 2022. Mais attention. Calmez votre enthousiasme ! Le Conseil de l’UE et le Parlement européen ne sont jamais chargés que de l’adoption (avec quelques arrangements éventuels) des lois proposées par la Commission européenne qui est la véritable instance dirigeante - non élue - de la mal nommée “Union”.

Mais encore une fois rassurons-nous. Le rite cérémonial est bien rôdé pour animer le théâtre d’ombre européen et teinter la mise en scène d’apparats démocratiques et participatifs. Les rôles sont tous distribués. Le Conseil de l’UE réunit les ministres des États membres par domaines de compétence en 10 formations politiques (Environnement, Agriculture et pêche, Affaires économiques et financières, etc.). C’est ainsi que la ministre de l’Environnement, l’inénarrable Barbara Pompili, présidera le Conseil de l’Environnement. L’État qui assure la présidence du Conseil étant, lui, strictement chargé d’organiser et de présider l’ensemble des réunions du Conseil de l’UE. Point barre !

La présidence tournante du Conseil de l’UE n’est donc pas une prise de commande. Ce qui comptera vraiment dans la scénographie pour présenter la “réussite” (ou non) de la présidence française, sera le contexte législatif, c’est-à-dire les projets de lois présentés par la Commission (et non la “volonté” de Macron).

Bref, le bac à sable offert aux pays par la Commission européenne (CE) leur permet de jouer gentiment pendant qu’elle garde la haute main sur les questions les plus sérieuses.  Jugez-en.

La Commission ne joue pas avec les Affaires étrangères

Le Conseil des Affaires étrangères est présidé pendant 5 ans (mandat des Commissaires de la Commission européenne), par le haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité : actuellement, Josep Borrell.

Ses fonctions sont définies aux articles 18 et 27 du traité sur l’Union européenne (TUE) :
- il conduit la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union et contribue à l’élaboration de cette politique, l’exécute en tant que mandataire du Conseil et assure la mise en œuvre des décisions adoptées dans ce domaine ;
- il préside le Conseil des Affaires étrangères ;
- il est l’un des vice-présidents de la Commission européenne et est chargé de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’UE ;
- il représente l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, conduit au nom de l’UE le dialogue politique avec les tiers et exprime la position de cette dernière dans les organisations internationales et au sein des conférences internationales ;
- il est le patron de la diplomatie de l’UE (Service européen pour l’action extérieure - SEAE) et des délégations de l’Union dans les pays tiers et auprès des organisations internationales.

La présidence de la France : au bon moment pour Macron ? !

En matière législative, la Commission en a sous le pied ! Si certains de ses projets néolibéraux les plus féroces ont été ralentis ou mis en œuvre partiellement (casse des régimes de retraites publics, privatisation des barrages hydroélectriques, privatisation des systèmes publics de santé, diminution des prestations chômage, numérisation à marche forcée, dépossession des États de leur souveraineté sanitaire, constitution d’une armée européenne, mise à mort du nucléaire français, application obsessionnelle de la “concurrence libre et non faussée”…), la Commission veut passer à la vitesse supérieure. Au prétexte de la « crise du Covid » servie sur un plateau, la CE et les européistes vont accélérer les « réformes » indispensables à leur rêve néolibéral, complètement en phase avec le "grand reset" proclamé par le Forum économique mondial qui s’articule harmonieusement avec les volontés de l’Union européenne, comme par hasard !
Ce sera d’autant plus facile que le Président français est un europiomane entouré de gouvernements et de “députés” européens euro-idolâtres venus de tous les horizons politiques et agglomérés en groupes au sein du parlement européen bidon : Groupe du Parti populaire européen (PPE), Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D), Renew Europe, Identité et démocratie (ID), Groupe des Verts/Alliance libre européenne (ALE), Conservateurs et réformistes européens (ECR Group), Groupe de la Gauche (GUE/NGL).
Et peu importe que la puissance dominante ait perdu sa tête (A. Merkel) : le Chancelier qui lui succédera sera un européiste qui défendra d’abord les intérêts de l’Allemagne.

Le “Gauleiter” (1) Macron, tel un commissaire européen aux Affaires françaises, n’aura plus qu’à faire soutenir et faire voter les projets de la Commission, en les amendant à la marge ou en les durcissant au besoin, pour en tirer gloriole. Et même s’il va à la niche au premier claquement de doigts de l’Allemagne, ce sera grâce à lui qu’enfin l’Europe avancera (comprenez pour les riches, les liquidateurs de la Nation et les multinationales). Les peuples apprécieront… s’ils sont informés évidemment mais hélas… rien à attendre du côté des médias laudatifs. Ô que le spectacle est bien huilé !

Mais, lectrice, lecteur, comment est-il possible de se déclarer encore et toujours pour « l’Europe » ? De confondre Union européenne et Europe ? De croire qu’UE et internationalisme ont quelque chose à voir ? Aveuglement, complicité, paresse politique, aliénation, masochisme ou pis encore : fatalisme ?
Dites-nous si vous êtes dans ce cas. On veut bien vous aider à vous débarrasser du mal qui vous ronge et qui pèse tant sur la vie du peuple et de la Nation.

Note :
Gauleiter : Chef d'une circonscription (un "gau") d'un district de l'Allemagne nazie.