Nation, souveraineté - Episode 7

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Liberté, égalité, laïcité

 

Souveraineté et laïcité

Par le Parti de la démondialisation

Le 13 octobre 2020

Les deux souverainetés combinées – souveraineté nationale et souveraineté populaire – marquent la fin de toute « théologie politique », la Révolution ayant « désacralisé » l’État et les institutions. Sous la monarchie, tout était organisé pour faire croire que la puissance du monarque venait de Dieu, le souverain étant même son représentant sur terre. Si, au contraire, c'est le peuple qui est le souverain, la laïcité de l’État est le choix qui s’impose naturellement. La laïcité est une conquête collective à portée universelle à préserver et à promouvoir.

Macron est bien loin de cette vision avec son projet de loi sur le séparatisme. Il apporte une fois encore la confusion entre déclarations qu’il veut fracassantes et novlangue néolibérale. Il pense convaincre avec « séparatisme » pour éviter « communautarisme ». Il se prétend droit dans ses bottes alors qu’il entretient une vision erronée de la laïcité et la trahit ainsi. En proclamant « nous formerons nos imams en France », il piétine les racines de la laïcité. Quand il annonce l’ouverture à l’université à la formation sur l’islam ne perçoit-il pas, lui et son gouvernement, que c’est avec de l’argent public que la religion musulmane pourra se déployer intellectuellement (et plus si affinités grâce aux « clusters » que l’Etat aura lui-même organisés) ?
En réalité Macron ne fait que poursuivre sa grande œuvre néolibérale : diviser le peuple, le segmenter, augmenter le réflexe communautariste, organiser la charité au détriment de la solidarité nationale. Au fond il saisit la balle au bond pour imprimer encore et encore le déni de la nation, la négation de la souveraineté du peuple défini par sa volonté se de constituer en peuple politique a contrario d’une conception ethnique. En fait il segmente « le marché peuple » avec les recettes de marketing qu’il maîtrise si bien, lui et la bande de communautaristes néolibéraux qui étranglent notre pays dans une main de fer.
Au fond il n’y a rien de neuf. C’est un copié-collé de ce que pratiquent tous les pays qui sont plongés dans la religion néolibérale : les Etats-Unis en tête, modèle communautariste avéré, et évidemment les pays piégés par l’Union européenne porteuse de l’idéologie anglo-saxonne. Car le marché religion est un filon magnifique pour favoriser le développement identitaire en lieu et place d’un peuple souverain, uni pour défendre et développer ses droits sociaux. Un filon magique pour enterrer liberté, égalité, fraternité auquel il faut ajouter laïcité ! Un filon pervers pour poursuivre la destruction de la nation.

Nous montrons dans le texte qui suit comment et pourquoi laïcité et souveraineté du peuple ont partie liée.
A l’occasion de la publication du texte de loi sur le « séparatisme » nous reprendrons la plume.

La laïcité n’est pas française, elle a été conquise en France certes, mais la France fut également la première à considérer la souveraineté populaire en 1789 et ça n’en fait pas un particularisme accidentel franco-français qui n’aurait aucune valeur dans les autres pays. L’universalité d’un principe est indépendante du lieu où il a été reconnu pour la première fois. La séparation de l’Eglise et de l’État est donc la condition pour que le peuple existe dans sa pleine souveraineté par un principe qui suppose une organisation politique, un corpus de textes juridiques et des institutions pérennes.
À la différence de la simple tolérance, qui pose la question de faire coexister les libertés telles qu’elles sont (celles des personnes et des communautés), la laïcité construit un espace a priori qui est la condition de possibilité de la liberté d’opinion de chacun pourvu qu’il reste dans le cadre du droit commun. C’est un modèle anti-communautaire par définition. L’autorité politique, ne peut être exercée que par les citoyens et leurs représentants élus.

C’est la supposition de la suspension du lien communautaire qui rend possible la formation du lien politique. La laïcité a pour base le vide de la croyance et de l’incroyance comme doctrines, comme contenus : la laïcité fait le vide sur ce que nous croyons ou pas, elle dit « la puissance publique n’a pas besoin pour être et pour être pensée d’un quelconque acte de foi dans le fondement de la loi ». C’est une incroyance formelle : il n’est pas besoin d’être croyant sur la question du lien pour former association politique. Le lien politique n’est pas appuyé sur un acte de foi puisqu’il suppose au contraire que chacun pourra être le plus indépendant possible de tout autre et de tout groupe. La laïcité est une association politique qui écarte toute religion civile, qui ne fait pas de la loi elle-même un acte de foi, mais un consentement mutuel garantissant des droits. Ce qui est opposé à la laïcité, ce ne sont pas les religions, c’est leur partie civile, leur prétention à faire la loi au nom d’une communauté préalable à l’association politique elle-même. Ce qui est absolument contraire à la laïcité, c’est donc aussi la religion civile, l’idée que la loi doit être acceptée comme une forme de croyance, qu’on doit y adhérer comme un acte de foi.

C’est aussi un garant culturel. Pour construire la cité, la pensée et les efforts humains ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Ne pas croire préalablement, c’est s’obliger à réfléchir au bien-fondé des lois et de tout ce qu’on fait et de tout ce qu’on avance. Il y a un devoir de penser qui devient virulent dans une organisation laïque. Si ce devoir est négligé dans une république laïque, alors celle-ci est en danger.

La segmentation de l’humanité est une réelle question. Il est nécessaire de distinguer les « communautés » qui peuvent très bien avoir pignon sur rue, et le « communautarisme » qui consiste à prendre appui sur des « communautés » réelles ou fantasmées pour conduire un projet politique, pour fractionner la collectivité des citoyens.

La souveraineté populaire puise donc sa source dans une conception rationnelle : celle des fins de l’association politique volontaire que représente le peuple. Aucun décret de l’au-delà n’a fait du peuple un peuple élu, et de la nation le résultat d’une providence divine. La nation comme le peuple, et donc la souveraineté nationale et la souveraineté populaire, sont le résultat de l’action publique et politique.

La laïcité, en outre, permet que l’action pour changer le monde ne soit pas sacrilège. Le risque pourrait sembler anachronique au début du XXIe siècle. Il existe pourtant des pays, aujourd’hui, où la critique du gouvernement est considérée comme un blasphème, car critiquer le gouvernement revient à critiquer le dieu sévissant dans le pays. Chacun comprendra le parti qu’un gouvernement peut tirer d’une telle conception…

Il faut donc aller au bout de la logique de séparation des Églises et de l’État et des conséquences de l’exigence laïque. Le capitalisme sans foi ni loi broie les hommes et s’est donné de tous temps un supplément d’âme inscrit dans un ordre moral religieux, et donne à celui-ci un prétendu rôle social. La laïcité rend incontournable la construction d’un État social, avec un secteur public fort, et des lois sociales qui défendent et protègent le citoyen. Devant un tel projet, le supplément d’âme étatique n’a plus lieu d’être.

La laïcité, un idéal en péril

Dans une communauté de droit comme la République, la loi politique, vecteur de l’intérêt général, permet de soustraire le rapport des hommes et des femmes à l’empire multiforme de la force. La laïcité réalise une telle exigence. Elle ne réalise que ce qui est d’intérêt commun. Elle promeut, avec l’autonomie morale et intellectuelle des personnes, la liberté de conscience, ainsi que la pleine égalité de leurs droits, sans discrimination liée au sexe, à l’origine ou à la conviction spirituelle. La séparation juridique de la puissance publique d’avec toute Église et tout groupe de pression, qu’il soit religieux, idéologique ou commercial est pour cela essentielle. L’école publique et l’ensemble des services publics doivent être protégés contre toute intrusion de tels groupes de pression.

L’amalgame entre religion et identité doit être évité. Cette confusion conceptuelle aberrante conduit à traiter comme raciste toute mise en cause polémique d’une religion. Le racisme vise un peuple comme tel. Quel peuple vise la critique de l’islam ? La population arabe ? Elle est démographiquement minoritaire parmi les musulmans… Le poison de l’amalgame entre culture et religion, ou entre religion et identité fausse constamment les débats.

S’il fallait poursuivre en justice un écrivain qui tourne en dérision l’islam, alors il faudrait également bannir des bibliothèques Voltaire qui écrivait « écrasons l’infâme » à propos du cléricalisme catholique et Spinoza, qui n’avait pas de mots assez durs pour les théologiens rétrogrades. Le colonialisme, le racisme, la discrimination de l’origine sont des abjections, mais l’oppression des femmes, le credo imposé, le marquage identitaire exclusif, la religion convertie en domination politique n’en sont-elles pas aussi ?

Certes, la laïcité ne peut pas tout. Elle fait valoir à la fois des droits et des devoirs, mais il existe des situations sociales qui rendent peu crédibles les droits, et partant, disposent mal ceux qui en sont victimes à assumer leurs devoirs à l’égard de la République laïque. Il serait injustifié d’en tirer la conclusion que les exigences de la laïcité sont illégitimes et de renoncer à les affirmer. D’autant que, dans nombre de cas, ce n’est pas l’injustice sociale qui est en cause, mais un projet politique d’opposition à la laïcité. Il n’en reste pas moins que le souci d’affirmer la laïcité ne peut se désintéresser des conditions sociales qui la rendent crédible.

La lutte politique contre la violence intégriste doit être comprise comme le souci de promouvoir une conscience lucide des vraies causes des problèmes, en lieu et place d’un diagnostic fallacieux qui incrimine la modernité, la République et l’émancipation laïque. Nous sommes devant une situation assez similaire à celle que décrivait Marx lorsqu’il s’en prenait non à toute conscience religieuse, mais à la religion utilisée comme « supplément d’âme ». En Grande-Bretagne le retrait de l’Etat des services publics hors des banlieues en difficultés a eu pour effet de « déléguer » la question sociale aux intégrismes religieux, qui se paient le luxe de tenir un discours anticapitaliste. Exemple à retenir afin d’en tirer les conséquences pour notre pays.

Les intégrismes religieux sont en réalité complices de la dérégulation néolibérale qui fait aujourd’hui des ravages et qui évite de remettre en cause le capitalisme. Le maintien d’une conscience mystifiée qui fatalise la mondialisation capitaliste libérale en voulant y voir d’une façon malhonnête la seule manifestation de la modernité, produit du désespoir et invalide toute alternative sociale en ne proposant que la charité comme solution.

Il est temps de réactiver les authentiques leviers de l’émancipation humaine. La lutte sociale et politique contre toutes les dérégulations capitalistes et pour la promotion des services publics, qui produisent de la solidarité et non de la charité ; la lutte pour une émancipation intellectuelle et morale de tous, afin qu’une conscience éclairée des vraies causes permette de résister aux fatalités idéologiques ; la lutte pour l’émancipation laïque du droit, gage de liberté de tous les êtres humains, liberté de choisir son mode de vie, sa sexualité, son type de relation à autrui dans le respect des lois communes, accéder sans entrave à la contraception ou à l’interruption volontaire de grossesse. En contradiction avec cette émancipation des mœurs et du droit, la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (Comece) veut faire reconnaître des droits particuliers pour le mariage ; et « un droit à la vie » comme obstacle juridique à l’IVG.

On objectera que les inégalités sociales et culturelles hypothèquent l’égalité des chances à laquelle l’école publique et laïque contribue. Certes. Mais le diagnostic ne met pas en cause l’école, il renvoie aux injustices sociales et appelle à une action appropriée.

L’existence de discriminations, reflet d’un racisme ordinaire persistant, doit être évoquée comme toile de fond de la réflexion, comme tout ce qui fragilise la laïcité ; la discrimination à l’embauche, souvent subie sans recours, peut conduire ceux qui en sont victimes à désespérer du modèle républicain et des valeurs qui lui sont liées. Il ne faut pas s’étonner ensuite qu’une sorte de conscience victimaire conduise à valoriser l’origine ainsi stigmatisée par le fanatisme de la différence. Le risque de la dérive communautariste n’est pas loin.

Aujourd’hui, les expressions de « laïcité ouverte » ou de « pacte laïc » utilisées par certains penseurs protestants sont très dangereuses. Elles font du droit laïc un compromis provisoire qui semble suggérer qu’on puisse indéfiniment le renégocier au gré des modifications du paysage religieux. C’est bien de cela dont s'est servi Nicolas Sarkozy avec la volonté de brouiller cultuel et culturel.

L’idéal laïc s’oppose ainsi à toute tentative de restauration cléricale. Réduire la laïcité à l’hostilité à la religion, c’est superposer le souvenir des luttes historiques qui ont été nécessaires pour la reconnaissance de la laïcité à l’idéal lui-même.

Ainsi comprise, la laïcité n’est pas définissable négativement, c’est-à-dire par l’opposition à quelque chose. Elle n’est pas antireligieuse. Ce qui a conduit à la laïcité, ce n’est pas la démarche spirituelle de nature religieuse, mais la volonté de domination dans l’ordre temporel, au nom de cette démarche. L’anticléricalisme fut une réponse historique à un certain refus de l’Église de reconnaître la stricte égalité des croyants, des agnostiques et des athées dans les institutions publiques, mais ce refus n’était pas la cause principale dans la définition de l’idéal laïque, qui visait d’abord ce qui unit tous les humains.