La Commune de Paris de 1871 éclaire nos luttes

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Commune de paris

 

La Commune fête ses 150 ans ce printemps !

Pour le peuple français, et au-delà des frontières, la Commune de Paris reste un événement extraordinaire et ce malgré la férocité de la répression menée par Thiers avec la collaboration de l'armée prussienne (déjà...) qui a engendré des milliers de morts et de déportés. Car les Communards avec leur détermination, leur capacité à penser, à s'organiser et à agir pour une société républicaine, laïque, sociale, démocratique et égalitaire entre les hommes et les femmes balisaient le chemin de l'émancipation populaire mettant ainsi en péril la domination de la bourgeoisie.

De l'autre côté de la barricade, la bourgeoisie a toujours tout fait pour éviter toute célébration de cet événement révolutionnaire. Et même aujourd'hui, 150 ans après ! Pour preuve : tout récemment le pitoyable Pierre Nora (lire plus bas encadré n°2) appelait à fêter Napoléon plutôt que la Commune !

Nous, aujourd'hui, nous pouvons, nous devons et nous avons besoin de nous inspirer des Communards pour oser établir les bases d'une société résolument nouvelle, débarrassée du néolibéralisme, la forme actuelle mondialisée du capitalisme.

Pour fêter les 150 ans de la Commune, l'association des Amies et Amis de la Commune organise plusieurs initiatives :
https://www.facebook.com/AssociationdesAmiesetAmisdelaCommunedeParis187…

Après la défaite de Mac-Mahon à Sedan et la trahison de Bazaine à Metz (avec une armée de 180 000 hommes), Napoléon III fut capturé le 2 septembre 1870 et la IIIe République fut proclamée le 4 par un "gouvernement de défense nationale", qui ne sera qu'un gouvernement de trahison nationale ! L'armée prussienne assiège Paris et occupe le Nord-Est de la France. L'empire allemand est proclamé dans la galerie des glaces à Versailles, et Thiers prend la tête du gouvernement. Un traité préliminaire de paix est négocié, après un armistice honteux et la perte de l'Alsace-Moselle.
Le peuple de Paris ne l'accepte pas et manifeste à l'Hôtel de ville le 22 janvier 1871, après qu'une affiche rouge fut placardée sur les murs de la ville le 7 janvier. La manifestation fut réprimée et Thiers décida d'imposer le règlement des loyers, la suppression de la solde de la Garde Nationale et la confiscation des canons stockés sur la colline de Montmartre. Mais, le 18 mars — date symbolique du début de la Commune — le peuple parisien, notamment les femmes, s'oppose à ce hold-up. Cela conduit le sous-officier Verdaguer, sergent du 88e régiment d’infanterie, à refuser de tirer sur le peuple, en levant la crosse en l’air. Le général Lecomte qui avait donné l’ordre de tirer est, lui, fusillé sur place. Après l'insubordination, la fraternisation des soldats et des manifestants fait basculer l'histoire : la Commune est née ! Après l'échec du hold-up des canons à Montmartre, Thiers prend la fuite et s'installe à Versailles.
Le 26 mars la Commune est installée à l’issue des élections municipales organisées par le Comité Central de la Garde Nationale. Le 28 mars le Conseil de la Commune est proclamé.
Du 18 mars au 28 mai 1871, un affrontement sans pitié opposera la bourgeoisie française qui pactisera avec la Prusse — devenu l'Empire allemand — pour récupérer les troupes françaises prisonnières et assassiner la Commune et, de l’autre, le peuple et sa Commune qui vont inscrire dans l'histoire un programme politique unique qui marquera le pays.
L'œuvre de la Commune, en 72 jours, est considérable ! Elle inspirera les meilleurs moments de la troisième République ainsi que les programmes des partis politiques de masse à la fin du XIXe siècle et au début du suivant.

Qu'on en juge :
- Le 29 mars annulation des loyers dus.
- Le 2 avril la Commune décrète la séparation de l'Eglise et de l'État, la dissolution et l'expropriation de toutes les congrégations religieuses en tant que corps possédants ; la suppression du budget des cultes.
- Le 12 avril la suspension de toutes les poursuites judiciaires concernant les échéances de loyers et de dettes commerciales.
- Le 16 avril la Commune fait recenser les usines et ateliers abandonnés par les bourgeois qui ont fui avec Thiers à Versailles et favorise la création de coopératives ouvrières.
- Le 28 avril elle supprime le système des amendes par lesquelles les patrons pénalisaient les salariés.

Les autres décisions sont encore plus marquantes :
- La suppression de l'armée permanente et son remplacement par le peuple en armes (comme pendant la Commune insurrectionnelle de 1792-1794).
- La suppression du parlementarisme bourgeois et le remplacement des « toutous parlementaires » et de ces « moulins à parlottes » (Lénine) par « un corps agissant, exécutif et législatif à la fois » (Marx).
- La suppression de la police et son remplacement par un corps de fonctionnaires responsables et révocables, contrôlé par les comités de quartier.
- La socialisation des services publics et la généralisation du salaire ouvrier à tous les fonctionnaires.
- L'institution de l'école publique, laïque, mixte, obligatoire et gratuite, débarrassée de toute influence de l'Église et de l'État (lire plus bas encadré n°1 : L'Ecole selon les Communards).
- L'élection et la révocabilité des juges et magistrats.
- L'organisation communaliste de la France : communes, départements et « délégation nationale à Paris ». Tous les délégués, à tous les niveaux, devant être liés à leurs électeurs par mandats impératifs et révocables.
- La destruction du pouvoir d'État de la classe dirigeante, « excroissance parasitaire », et la constitution du peuple en Communes, avec autonomie communale.
- La restitution au corps social de toutes les forces jusqu'ici absorbées par "l'État parasite".
- La proclamation des moyens de production (terre et capital) en instruments du travail libre et associé.

On peut aujourd’hui remarquer la similitude avec les revendications des Gilets Jaunes ! On remarque également que la Commune de 1871 remettait en cause les deux piliers de la société capitaliste bourgeoise : la délégation permanente du pouvoir du peuple à des élus incontrôlés et la propriété lucrative et privée des moyens de production. La Commune de Paris mit en œuvre des libertés publiques qui ne seront reconquises qu'à la fin du XIXe et pendant le XXe siècle. Pour la première fois, elle marqua la fin de la séparation de la démocratie politique et de la démocratie économique et sociale. C'est en cela qu'elle ouvrit la voie aux révolutions suivantes en Europe mais aussi dans le monde. Elle fut un exemple d'internationalisme car des militants et des cadres militaires étrangers s'engagèrent dans l’armée communaliste, ou dans l'action politique (Dombrowski, Wroblewski par exemple, ou encore Léo Frankel de l'Association Internationale des Travailleurs.
Comme l'écrira Marx dans La guerre civile en France : « Le véritable secret de la Commune, le voici : c'était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat des luttes de classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la FORME POLITIQUE enfin trouvée qui permettait de réaliser l'émancipation économique du travail ».

Le reste de l'histoire est connu. Le 21 mai, une trahison permet que les troupes versaillaises — autorisées par Bismarck — entrent dans Paris par les portes de Saint-Cloud et d'Auteuil. Ce sera le début de « la Semaine sanglante » durant laquelle entre 20 et 30 000 communards sont assassinés et plus de 40 000  blessés, condamnés, emprisonnés et déportés jusqu'en Algérie et en Nouvelle Calédonie (comme Louise Michel). Thiers, « l'affreux nabot » bien campé par Marx, pourra dire : « Nous en avons terminé avec le socialisme pour une génération » !

Les combats de rue, barricade par barricade, dureront une semaine, à l'issue de laquelle les derniers communards seront fusillés contre le mur des Fédérés au cimetière du Père Lachaise, après s'être battus tombe après tombe. Leurs corps seront jetés dans une fosse commune.

Ailleurs en France

La Commune de Paris ne fut pas un cas isolé. Début septembre, dès la fin de l’Empire, dans de nombreuses villes, des mouvements se sont développés instaurant la République, démocratique et sociale. Animées par des militants ouvriers alliés aux républicains, elles ont déclaré la Patrie en danger et nombreux sont ceux qui se sont engagés pour poursuivre la lutte contre les Prussiens. Après la capitulation, des Communes ont vu le jour à Lyon, Marseille, Saint-Étienne, Le Creusot, Narbonne, Thiers, Toulouse, Limoges, Alger… Des contacts furent établis entre les Communes avec une volonté forte de fédérer les mouvements. Mais les alliés républicains, effrayés par le peuple, ont choisi l’ordre. L’armée prétorienne de la bourgeoisie est ainsi venue à bout de ces Communes sans trop de difficultés. Là encore, la répression fut terrible et les procès se sont poursuivis pendant de nombreuses années.

On pourrait gloser sur les erreurs de la Commune : pour certains elle aurait dû s'emparer de la banque de France qui impunément prêta 315 millions de francs à Thiers, contre seulement 16,7 à la Commune. Peut-être aurait-il fallu "marcher sur Versailles" dès le 19 mars diront d'autres. Le Conseil de la Commune perdit du temps à discourir pendant que Thiers organisait la reconquête, pour d'autres encore. Ce débat ne peut être tranché.

Mais une chose est certaine : «  Tout ça n’empêche pas Nicolas que la Commune n'est pas morte » ! Elle restera comme le disait Eugène Varlin, l'un de ses martyrs, « le premier élément des futures communes révolutionnaires ». Elle sera pour longtemps un exemple de combat révolutionnaire pour les générations futures qui se chargeront de démentir Thiers. Et, comme la écrit Marx : « Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d'une société nouvelle [...] ses exterminateurs, l'histoire les a déjà cloués au pilori éternel, et toutes les prières de leurs prêtres n'arriveront pas à les en libérer ».

Par leur action les Communards ont sauvé la République chancelante menacée dès sa création par les monarchistes. En 72 jours, ils ont posé les bases de la République démocratique et sociale. Mais bien évidemment la bourgeoisie ne pouvait laisser faire, ce qui explique la violence de la répression. Ce qui explique aussi que la Commune n’a pas fait partie de l’histoire de l’histoire officielle de la IIIe République et qu’encore maintenant on préfère commémorer le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier que les 150 ans de la Commune - des Communes !
Et pourtant le combat des Communards est toujours d’actualité, pour la justice sociale, pour la laïcité, pour l’égalité hommes/femmes. Et aujourd’hui encore les classes dominantes ne sont toujours pas prêtes à lâcher !

Ne l'oublions pas, et sachons tirer les leçons de l'héroïsme des Communards pour éclairer nos combats !

L'école selon les Communards

Édouard Vaillant, membre de l’Association internationale des travailleurs, du Comité central de la Garde nationale, du Conseil de la Commune et du Comité central des 20  arrondissements, joua un rôle clé comme organisateur des principes de l'école publique, laïque, mixte, obligatoire et gratuite, débarrassée de toute influence de l'Église et de l'État : la mixité des établissements scolaires (sur laquelle la IIIe République reviendra) et un contenu émancipateur de l’enseignement, à la fois général (histoire, géographie, français, écriture, calcul, orthographe, etc.), professionnel et technique. Ces principes seront dévoyés par Jules Ferry.

Qui est Pierre Nora ?

Pierre Nora, Grand officier de la Légion d’honneur, Officier de l’ordre national du Mérite, Commandeur des Arts et des Lettres et membre de l’Académie française est un représentant de sa classe, celle des dominants.
Il participe au tournant conservateur, depuis les années 1980, marqué par l'emprise de « l'anti-totalitarisme ». Il s’est illustré par son refus de traduire et publier l'ouvrage d'Eric Hobsbawm, The Age of extremes (1994), en raison de « l'attachement à la cause révolutionnaire » de son auteur.
En 2011, Nora refuse de parler de génocide arménien et déclare : « Si vous écrasez trois mouches, on peut aussi vous parler d'un génocide...»