Privatisations /4 - Alain Juppé (17 mai 1995 au 7 novembre 1995)

Deuxième cohabitation, suite...  les privatisations continuent

    Assurances générales de France (AGF)

La Société anonyme des assurances générales est fondée en 1818. Elle regroupe pour la première fois en France une société d’assurance incendie, une autre d’assurance maritime et une autre encore d’assurance-vie. En 1945, la société est nationalisée. En 1968, elle fusionne avec le Phénix et devient les Assurances générales de France(AGF). En 1996, elle est nationalisée à 51%.

En 1997, l’allemand Allianz AG acquiert 58% du capital des AGF. La même année une fusion intervient entre les AGF, Allianz France et PFA-Athena Assurances. En 2002, les AGF deviennent AGF tout court. En 2007, la maison mère Allianz, qui possédait déjà 58% des actions des AGF, rachète par OPA l’intégralité des actions du groupe AGF qui devient une filiale à 100% d’Allianz. En 2009, la marque commerciale AGF disparaît au profit d’Allianz-France.

    Compagnie générale maritime (CGM)

La compagnie générale maritime (CGM) est fondée à Granville en 1855 par les frères Péreire, qui en sont également le principal actionnaire via leur banque Société générale de crédit mobilier. Elle est chargée par l’État d’assurer le transport du courrier vers l’Amérique du Nord. Assez vite, les frères Péreire vont faire fabriquer les navires sur la côte Atlantique et achètent à cet effet des terrains proches de Saint-Nazaire. Le gouvernement avait imposé qu’au moins 50% des navires soient fabriqués en France. Ils y fondent les Chantiers et ateliers de Saint-Nazaire, qui prendront plus tard le nom de Chantiers de Penhoët puis Chantiers de l’Atlantique. En 1861, la Compagnie générale maritime (CGM) prend le nom de Compagnie générale transatlantique (CGT).

Elle développe son activité de croisières à partir de paquebots prestigieux comme le Paris, l’Île-de-France, le Normandie. Elle diversifie ses destinations pour aller en Amérique centrale et sur la côte Pacifique, en Méditerranée, et développe sa flotte de cargos qui deviendra bientôt majoritaire dans son activité. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Transat a perdu 13 paquebots et 40 cargos, soit 60% de sa flotte. En 1948, l’État prend un contrôle majoritaire de la Compagnie générale transatlantique (CGT) et des Messageries maritimes. La Compagnie reprend de la vigueur en 1962 avec le lancement du France qui va souffrir de la concurrence du transport aérien et sera retiré en 1974. Ce sera le dernier paquebot de la Compagnie.

En 1977, la Compagnie générale transatlantique (CGT) et les Messageries maritimes fusionnent pour reformer la Compagnie générale maritime. L’État lui cède toutes les actions qu’il détenait dans la CGT et la Compagnie des messageries maritimes. La nouvelle CGM se développe dans un nouveau secteur, celui des porte-conteneurs.

En 1999, la Compagnie générale maritime fusionne avec la Compagnie maritime d’affrètement (CMA) pour donner le Groupe CMA CGM. L’État accepte le plan de reprise proposé par la CMA. Cette société a été créée en 1978 à Marseille par un entrepreneur individuel, Jacques Saadé. Au départ il n’existe qu’une seule ligne entre Beyrouth, Lattaquié, Marseille et Livourne et quatre personnes autour du fondateur. Aujourd’hui, le Groupe CMA CGM est un des leaders mondial dans les porte-conteneurs, il possède le plus grand porte-conteneur du monde et 470 navires. Il compte 22 000 salariés dans le monde, dont 4 500 en France.

    Péchiney

Le groupe Péchiney vient de la création, en 1855, de la Compagnie des produits chimiques d’Alais et de la Camargue pour produire de la soude à Salindres (Gard). En 1860, la société se lance dans l’aluminium. En 1936, elle et la 10e capitalisation boursière française. En 1950, elle prend le nom de Péchiney. À partir de 1962, elle cherche à se développer à l’international pour trouver des sources d’électricité à bas prix et diversifier ses activités. Elle acquiert la société américaine How Sound (devenue Howmet), spécialisée dans les turbomoteurs. Elle crée la société Cebal (emballages) en 1965, elle rachète Tréfimétaux (métaux non-ferreux) en 1967. En 1971, l’entreprise fusionne avec Ugine Kuhlmann et devient Péchiney Ugine Kuhlmann(PUK), premier groupe industriel privé français, présent dans l’aluminium, la chimie, le cuivre, le combustible nucléaire et les aciers spéciaux. Le Groupe est nationalisé en 1982, abandonne les aciers spéciaux et la chimie et reprend le nom de Péchiney. Il acquiert en 1988 le géant américain de l’emballage, American National Can. En 1994, afin de préparer la privatisation, le Groupe revend Howmet, Carbone Lorraine et l’essentiel d’American Can. La privatisation a lieu en 1995.

En 2001, le Groupe Alcan lance une OPA hostile sur Péchiney qui se fait absorber pour 4 milliards d’euros. Les activités de laminage, afin de se conformer aux clauses de non-concurrence, sortent d’Alcan et sont regroupées dans une société intitulée Novelis. Résultat : sur les 6 grands producteurs qui contrôlaient le marché de l’aluminium (Alcoa, Alcan, Kaiser, Reynolds, Alusuisse, Pechiney), 4 se sont fait absorber, ne reste plus que le canadien Alcan et l’américain Alcoa. En 2007, le conglomérat anglo-australien Rio Tinto rachète Alcan. Les activités emballage (31 000 salariés) sont vendues à des fonds, Cebal est racheté par Sun Capital Partners pour donner naissance à Albéa comptant 40 sites dans le monde. En 2010, une nouvelle société est créée, Alcan EP, regroupant l’activité produits usinés, c’est-à-dire les anciennes activités de Péchiney dans les produits usinés en aluminium pour l’aéronautique civile et militaire, l’automobile, la construction ferroviaire, l’industrie. En 2011, 51% d’Alcan EP sont cédés à Apollo, un fonds d’investissement américain, et 10% au fonds souverain français Fonds stratégique d’investissement (FSI). Rio Tinto Alcan conserve 39% du capital. La même année, Alcan EP prend le nom de Constellium, comptant 70 sites et 11 000 salariés dans le monde, dont 5 000 en France.

    Usinor-Sacilor

L’Union sidérurgique du Nord de la France (Usinor) est fondée en 1948 à la suite de la fusion des Forges et aciéries du Nord et de l’Est, et des Hauts fourneaux, forges et aciéries de Denain-Anzin. La même année, la Société Lorraine de laminage continu (Sollac) est créée avec des financements du plan Marshall, regroupant dans une coopérative de laminage les principales entreprises sidérurgiques lorraines. En 1946, en effet, le 1er Plan avait prévu une importante augmentation de la demande d’aciers, notamment des aciers plats pour l’industrie automobile et l’électro-ménager. Il fallait donc construire une grande usine dotée d’un « train de laminoir à bande » pour produire des tôles minces. La coopérative de laminage choisit les sites de Serémange et d’Ebange, dans la vallée de la Fensch en Moselle, pour implanter la Sollac. En 1950, Sidélor est créé, regroupant les principaux sidérurgistes lorrains, hormis De Wendel. En 1964, création de Sacilor pour construire l’usine de Gandrange dans la vallée de l’Orne en Moselle. En 1967, Usinor fusionne avec Lorraine-Escaut (aujourd’hui AFS Sedan). En 1968, création de Wendel-Sidélor. En 1970, création de Solmer à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). En 1972, Usinor entre dans le capital de Solmer.

En 1981, Usinor et Sacilor sont nationalisés. En 1986, Usinor fusionne avec Sacilor, en 2002 avec l’espagnol Aceralia et le luxembourgeois Arbed pour donner Arcelor. En 2006, le groupe néerlandais d’origine indienne, Mittal Steel Company lance une OPA sur Arcelor qui aboutit à la fusion des deux groupes pour former ArcelorMittal.

Au moment de sa privatisation, Usinor-Sacilor était le 3e groupe sidérurgique mondial.

    Renault (ouverture du capital)

Renault bascule dans le privé à la suite d’une session par l’État de 6% du capital. Le noyau dur des actionnaires (banques, compagnies d’assurance françaises) achète les actions par le biais d’une opération de gré à gré.

    Compagnie française de navigation rhénane (CFNR)

La Compagnie française de navigation rhénane (CFNR) a été fondée en 1924. Elle débute son activité comme gestionnaire de chalands sur le Rhin avant de se diversifier vers les ports de mer de la zone ARA (Anvers-Rotterdam-Amsterdam), le Rhin supérieur, la Moselle, les canaux du nord de l’Europe, le Danube. La Compagnie est vendue de gré à gré en 1996 à l’Association technique de l’importation charbonnière (ATIC) également privatisée.

La CFNR développe aujourd’hui son activité dans l’affrètement fluvial, la manutention portuaire où elle couvre l’ensemble de la chaîne logistique : vrac, produits conventionnels, colis lourds.

    Association technique de l’importation charbonnière (ATIC).

L’Association technique de l’importation charbonnière (ATIC) est fondée en 1945. L’État, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, intervient fortement dans le secteur de l’énergie afin de relancer la production industrielle et d’améliorer les conditions de vie des ménages. Dans la loi du 17 mai 1946 sur la nationalisation des houillères qui crée les Charbonnages de France, l’article 6 prévoit, parallèlement à la nationalisation du charbon français, le contrôle et la réglementation par l’État de l’importation de charbon. Le charbon, comme l’électricité, le ciment, le transport et l’acier sont au cœur du Ier Plan. Le charbon représente alors 80% de la couverture énergétique de la France. Les houillères sont épuisées par la guerre et ne peuvent couvrir les besoins générés par la reconstruction. Les importations sont limitées puisque les autres fournisseurs, principalement européens, sont dans la même situation.

Avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), en 1951, dont l’objectif est de créer un marché commun pour ces deux matériaux, les prérogatives de l’ATIC sont limitées car le monopole sur les importations de charbon détenu par l’ATIC est en contradiction avec les règles de la CECA.

En 1957, l’ATIC crée une filiale intitulée Union navale. L’ATIC devient le plus important acheteur mondial de charbon, lui permettant de peser sur les prix.

L’Acte unique européen, entré en vigueur le 1er juillet 1987, se concrétise le 1er janvier 1993 avec la création du marché unique européen. La suppression du monopole d’importation du charbon est décidée pour 1994, alors que le charbon ne représente plus que 8% du bilan énergétique national.

ATIC Services SA est créée en 1995, restant sous la tutelle de l’Etat, et offre des prestations de services pour les transactions d’achat et de transport de combustibles minéraux solides à l’importation : études de marchés, négociation de contrats, transport, acheminement, manutention, stockage, contrôle et analyse des combustibles. En 1996, l’ATIC sort du capital d’ATIC Services SA. En 1996, ATIC Services SA est privatisée et prend le contrôle de la Compagnie française de navigation rhénane (CFNR). En 2002, l’ATIC est dissoute. En 2011, ATIC Services SA est intégrée au Groupe ArcelorMittal.

    Banque française du commerce extérieur (BFCE)

La Banque française du commerce extérieur (BFCE) est créée en 1946 avec un statut spécial pour faciliter le financement des opérations de commerce extérieur. En 1996 elle fusionne avec le Crédit national pour donner naissance à Natexis SA, première fusion bancaire en France depuis 30 ans.

En 2006, les caisses d’épargnes ont apporté à Natexis SA leur filiale, la banque d’affaire IXIS, pour donner naissance à Natixis.

    Atos
    

La société Bull a été fondée en 1930 pour exploiter les brevets de l’ingénieur norvégien Fredrik Rosing Bull de « trieuse-enregistreuse-additionneuse combinée à cartes perforées ». En 1934, la Compagnie des machines Bull devient le principal concurrent d’IBM en France avec 15% du marché. Les effectifs vont croitre : 248 salariés en 1939, 2 200 en 1952, 15 600 en 1964, 18 043 en 1977, 21 864 en 1982, 8 850 en 2009.

En 1962, IBM produit des machines plus puissantes que Bull, cette dernière ne parvenant pas à répondre aux besoins de ses gros clients comme la Marine nationale ou EDF. L’endettement augmente, l’entreprise n’a plus les moyens d’investir. En 1963, Bull est recapitalisée à hauteur de 51% du capital, sous l’impulsion de l’État, par la Compagnie générale d’électricité (CGE), la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la Compagnie générale de la télégraphie sans fil (CSF). General Electric (GE) détient 49% du capital. De 1964 à 1970, Bull connaît six années de pertes qui nécessitent une recapitalisation. C’est Genederal Electric qui s’en charge et qui devient largement majoritaire dans le capital, l’entreprise prend le nom de Bull-General Electric. Toutefois, en 1970, GE annonce son retrait de l’informatique. Les actionnaires de Bull refusent de racheter les actions que GE veut vendre : Thomson, CGE… L’État refuse également. C’est le constructeur américain de matériels militaires Honeywell qui rachètera les actions de Bull, formant Honeywell Bull, deuxième constructeur mondial informatique derrière IBM.

En 1975, le gouvernement français autorise la fusion d’Honeywell Bull avec la Compagnie internationale pour l’informatique (CII), formant CII Honeywell-Bull. La Compagnie internationale pour l’informatique (CII) est une société privée française créée en 1966 dans le cadre du Plan Calcul lancé par le gouvernement du général de Gaulle. Elle a une double mission : développer l’informatique scientifique et l’informatique de gestion, domaines dominés par deux constructeurs :

    Control Data qui produit des supercalculateurs.
    IBM qui se désintéresse des supercalculateurs pour se repositionner sur l’informatique de gestion.

La CII doit livrer des calculateurs pour le char Pluton devant être livré en 1975 et le sous-marin nucléaire Le Redoutable livré en 1971. Le départ de la France du commandement militaire de l’Otan renforce la nécessité de disposer de supercalculateurs et d’informatique de gestion. Même chose pour le programme nucléaire d’EDF. Par ailleurs la SNCF, le CEA, Air France, les PTT ont besoin d’ordinateurs.

En 1979, la Compagnie générale d’électricité, opposée à l’investissement dans la bureautique, vend ses actions, avec une bonne plus-value, à Saint-Gobain. Le Groupe Saint-Gobain, contre l’avis des dirigeants de Bull, va acheter Olivetti grâce à une augmentation du dividende versé par Bull qui assèche sa trésorerie.

En 1982, Saint-Gobain et CII Honeywell-Bull sont nationalisés, cette dernière entreprise reprenant le nom de Bull. Saint-Gobain revend ses parts à Olivetti, Bull absorbe la Société européenne de mini-informatique et systèmes (SEMS) et Transac. Les années qui suivent voient la société accumuler les pertes suite à un manque de vision stratégique de l’État et à des erreurs de gestion des dirigeants. Entre 1994 et 1997 le capital est ouvert, l’État ne conservant que 17,3% des actions. En 2000 le Groupe vend son activité de cartes à puces à Schlumberger, devenu Axalto, qui fusionne en 2006 avec Gemplus pour former Gemalto. Le Groupe est totalement privatisé en 2004. En 2012, trois supercalculateurs Bull font partie des 20 machines les plus puissantes du monde. En 2013 Bull lance un smartphone. En 2014, le français Atos réussit une OPA amicale sur Bull pour 620 millions d’euros et détient 84,25% du capital.

 

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