Au Québec, la gauche radicale, les libéraux et les intégristes font alliance contre la laïcité

manif Québec

Par Joël Perichaud, Secrétaire national chargé des relations internationales du Parti de la démondialisation.
Le 29 mai 2019

 

Le gouvernement du Québec a décidé d'adopter une loi imposant la neutralité des fonctionnaires. Au pays du multiculturalisme, cette initiative majeure a donné naissance à une coalition qui ne recule devant rien pour faire capoter le projet. En France, nous avons aussi cette alliance objective entre une grande partie de la « gauche radicale », des islamistes et les indigénistes...

François Legault, le Premier ministre, se voit accusé de préparer un « nettoyage ethnique », de s'inspirer de Mein Kampf, voire de paver la voie à un attentat au Canada... En réalité, François Legault est de « centre-droit » et son parti au pouvoir, la Coalition avenir Québec (CAQ) met en oeuvre une promesse de campagne : faire adopter un projet de loi établissant une laïcité, d’ailleurs mesurée, et soutenue par une large majorité de Québécois (65% dans les sondages). Cela vaut à Legault un torrent d'injures révélant la sensibilité de la question du rapport aux religions au Québec et celle de la place qu'occupe la province francophone au Canada. Depuis plusieurs semaines les actions des opposants à la « loi 21 » sont amplifiées alors que la voix des défenseurs de la laïcité est rarement entendue ; il y a un sérieux problème avec la couverture médiatique.

Rappel pour ceux qui n’ont pas suivi...ou pas de mémoire...
Revenons quelques mois en arrière. En octobre 2018, la CAQ remporte les élections générales au Québec à une large majorité (74 sièges sur 125 à l'Assemblée nationale), chassant le Parti libéral québécois (PLQ) du pouvoir. François Legault, le nouveau chef du gouvernement de la province, a été élu sur deux promesses : une réduction des flux migratoires et l'instauration de la laïcité au Québec. C'est donc logiquement que le Premier ministre annonce le vote de la "loi 21". Le projet n’est pas radical, mais au pays du multiculturalisme, il représente un tournant considérable : il s'agit d'inscrire le principe de la laïcité de l'État dans la constitution du Québec et de contraindre les employés de l'État « en position d'autorité » à ne pas arborer de signes religieux.
La mesure s'appliquera aux policiers, aux enseignants, aux directeurs d'école ou aux juges, ainsi qu'au président et au vice-président de l'Assemblée nationale. Elle concerne évidemment les accoutrements et bijoux de toutes religions, le gouvernement ayant décidé de s'en tenir au « sens commun » pour décider de ce qui serait interdit....
De plus, la neutralité comporte une nuance importante : elle ne s'appliquera qu'aux nouveaux employés des services publics. Ceux qui sont déjà en poste conserveront le droit d'arborer un signe religieux s'ils conservent « la même fonction » au sein de leur administration. Autres mesures prévues par la « loi 21 », qui devrait être adoptée d'ici au mois de juin : l'obligation pour les fonctionnaires en position d'autorité d'exercer « à visage découvert » ; ainsi que le décrochage du crucifix de l'Assemblée nationale du Québec...

L’alliance du cimeterre, du goupillon et des communautaristes de tous poils
Même modéré (décevant pour certains) le projet déchaîne les groupes prêts à tout pour que la laïcité ne voie pas le jour au Québec.
Les religieux, décidés à continuer à rendre visible leur culte dans chaque interstice de l'espace public, utilisent la rhétorique connue du « libéralisme culturel ».Le 7 avril, à Montréal, le Collectif canadien anti-islamophobie, fait défiler environ 5 000 personnes, arborant hijabs, turbans, étoiles de David... avec des slogans à l'anglo-saxonne, comme « Bikini, legging, voile ou burqa, c’est mon choix ». Dans le cortège, on critique une « loi fasciste » en faisant un parallèle entre François Legault (accusé de « favoriser les Québécois de souche ») et Adolf Hitler, les cris « Alahu akbar ! » ont ponctué les interventions des leaders, pendant que des hijabs étaient distribués. ...
Vous remarquerez que l’on entend la même chose en France de la part d’organisations de contre l’islamophobie soutenues par les » islamo-gauchistes »...

Mais ce que dit, timidement, la presse canadienne, c’est que la manifestation était organisée par des intégristes. L'initiateur, l'imam Adil Charkaoui, a déjà été incarcéré 21 mois, soupçonné de collusions avec Al-Qaïda. Il est accusé par plusieurs familles musulmanes d'avoir endoctriné des jeunes dans son centre et sa mosquée, les poussant à partir faire le djihad en Syrie. Sur sa page Facebook, il ne cache pas sa volonté d'islamiser les Québécois : « Plus on parle de l'islam, plus il se propage. Et moins on en parle, plus il se propage. La solution : qu'ils se convertissent et qu'on en finisse! Ils vivront heureux ! ». Un des autres organisateurs, le prédicateur islamiste Salem Elmenyawi, avait fait pression sur le gouvernement canadien en 2004 pour que celui-ci institue des tribunaux islamiques appliquant la charia aux familles musulmanes vivant dans le pays.
Au Québec comme ailleurs, la laïcité est l’ennemie des collectifs anti-islamophobie. Elle va à l’encontre de leur agenda politique : imposer un islam politique basé sur leur vision du monde.
Pour contrer la laïcité, les intégristes ne reculent devant rien : le chroniqueur Luc Lavoie a comparé le projet de loi à Mein Kampf, le pamphlet antisémite d'Hitler. A la radio, il a déclaré : « S’il y a une formule qu’il ne faut pas suivre, c’est la formule française. A-t-on envie de finir avec le Bataclan, le camion-bélier à Nice et Charlie Hebdo ? » Chez les religieux, la lutte contre les laïcs n'a pas de frontières spirituelles : le philosophe Charles Taylor, a reçu 1,5 million de dollars de la Templeton Foundation, un lobby américain favorable au fondamentalisme protestant...et sillonne le Québec pour y donner des conférences contre la loi 21. Accompagné de députés de la gauche et du centre, il partage le micro avec l'imam Ali Sbeiti, proche du Hezbollah, suivi de près par les services de sécurité canadiens, et dont le passeport a déjà été suspendu pour des liens avec le terrorisme...

La gauche québécoise abandonne la laïcité
Le deuxième pilier de l'alliance anti-laïque est la « gauche » québécoise et son parti indépendantiste Québec solidaire (QS) et ses 10 députés. Ses responsables n’ont pas participé à la manifestation mais le changement de ligne radical de QS, qui défend désormais le multiculturalisme le plus extrême est bien réel. Ces dernières années, le parti soutenait le « compromis Bouchard-Taylor », né d'un rapport (2008) qui prônait l'interdiction des symboles religieux pour « les employés de l’État exerçant un pouvoir coercitif », comme les juges ou les gardiens de prison. Au cours d'un Conseil national tenu le 30 mars 2019, Québec Solidaire a radicalement tourné casaque : ses délégués ont soutenu à 91% l'opposition à toute neutralité imposée aux fonctionnaires. Pire, le QS s'est déclaré favorable au port du niqab ou de la burqa chez les employées de l'Etat... Ce parti de « gauche » rejoint les positions libérales, rompt avec l'électorat québécois francophone et affiche un tournant anti-laïque radical : Alexandre Leduc (député QS,) a cautionné la « désobéissance civile » des fonctionnaires souhaitant arborer leurs signes religieux si la loi était votée. L’ « argumentaire décolonial » progresse au sein du parti...qui déclare, par exemple : « La laïcité nourrit le racisme. Elle est nocive. Plus que la charia. Plus que le voile intégral. L'homme blanc est là, se tenant victorieux sur la souffrance des autres peuples. »
Nous avons les mêmes en France avec les « Indigènes de la République » et l’actuelle direction de l’UNEF.
Bien sûr, tous les adhérents de Québec solidaire ne sont pas sur cette ligne mais les « inclusifs » du parti font taire les laïcs : insultes et tentatives d'intimidation ont été proférées en marge du Conseil national où deux options ont été soumises au vote : l'opposition à toute interdiction des signes religieux et le maintien du soutien au compromis Bouchard-Taylor. Il n’y a pas eu de proposition de soutien à la loi 21...En conséquence, de nombreux militants ont boycotté le vote mais la direction du QS a applaudi à la quasi-unanimité les votes en faveur du multiculturalisme.

Les libéraux multiculturalistes
Le troisième pilier de la coalition contre la « loi 21 » est constitué, bien sûr, par les libéraux favorables au multiculturalisme. On y trouve la quasi-entièreté du Canada anglophone et le Parti libéral québécois (PLQ), longtemps au pouvoir.
Leur opposition à la laïcité de l'Etat n'est pas nouvelle mais la virulence des propos et des actions prévues pour barrer la route à la « loi 21 » est sans précédent.
William Steinberg, maire de la ville québécoise d'Hampstead, a qualifié la « loi 21» de « nettoyage ethnique ». Devant le tollé, il a précisé, qu'il utiliserait désormais l'expression… « nettoyage ethnique pacifique » pour évoquer ce projet « raciste ». Le Canada libéral et anglophone est mobilisé. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, qui reconnaît ne pas avoir lu le projet de loi, a déclaré : « Pour moi, il est impensable que, dans une société libre, nous légitimions la discrimination contre des citoyens en raison de leur religion ». Les libéraux, dont Julius Grey, avocat constitutionnaliste pilier de l'opposition à la « loi 21 », a évoqué la désobéissance civile comme un moyen « qui peut se justifier dans certains cas où c’est une question de conscience » et promit de mener des démarches auprès des instances de l'ONU, dont on sait qu'elles sont acquises au multiculturalisme.

Un Québec laïque dans un canada multiculturaliste
A l'intérieur du Québec, une fracture se dessine entre l'agglomération de Montréal, métropole "inclusive et ouverte" dont la maire, Valérie Plante, est contre la « loi 21 », et le reste de la province. A tel point que les villes anglophones à l'ouest de Montréal ont déjà demandé à être exemptées de l'application du projet de loi. La Commission scolaire English-Montréal, qui gère les écoles publiques anglophones de la ville, a également annoncé qu'elle n'appliquerait pas l'interdiction des signes religieux pour les enseignants de ses établissements. La tactique employée par les « inclusifs » est de détourner le débat, en distillant l'idée fausse que le projet des laïcs est d'exclure la diversité - alors qu'il consiste à proposer une manière différente d'aménager la cohabitation des cultures en s'inspirant du modèle républicain.
Pour le Québec, l'adoption de la laïcité est un combat de taille : pour que la loi passe, le gouvernement a dû invoquer une clause constitutionnelle qui lui donne la possibilité de soustraire pendant cinq ans son projet à la Charte canadienne des droits et libertés. Celle-ci garantit la liberté de religion et donc, la possibilité sans limites d'exhibition de signes religieux. Au Québec, l'exécutif a considéré que le Parlement québécois était plus légitime que des tribunaux canadiens pour légiférer sur la vie des habitants de la province...ce qui est le sens même de la démocratie.

De fait, la bataille autour de la « loi 21, au-delà de ses enjeux sur la laïcité de l'Etat, est aussi une lutte pour la survie des valeurs du Québec francophone, dans un Canada qui traite, avec dédain, cette province qui refuse de se dissoudre dans cet Etat post-national. Dans ce pays situé dans l'aire culturelle anglo-saxonne multiculturaliste, le Québec est un petit bout de tradition laïque à abattre.

Cette offensive néolibérale, objectivement soutenue par les indigénistes, les communautaristes et les multiculturalistes de tous poils est une offensive contre la liberté de conscience, de pensée et la liberté religieuse que seule, la laïcité est à même de défendre. Nous assistons en France à la même alliance contre la République. Au Québec, comme en France, il est urgent de défendre et d’étendre la laïcité contre tous ceux, y compris au gouvernement, qui veulent insidieusement instaurer le multicultiralisme ...

Le Pardem soutient les militants laïques du Québec.

Vive la liberté !