CETA ou Environnement, ils ont choisi

Par le Parti de la démondialisation

Le 9 mars 2018

A propos de l'Accord économique et commercial global (AEGC) plus connu sous son acronyme anglais CETA, la commission d’experts mise en place par Emmanuel Macron a noté : « Le grand absent de l’accord est le climat ». Cette citation a été largement reprise par des organisations préoccupées par la défense de l'environnement en général et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre en particulier, tel un aveu.

 petrolier

 

Augmenter les échanges et préserver le climat, deux objectifs antinomiques

Nous devons dénoncer l’hypocrisie de cette conclusion, qui est totalement déconnectée des vrais enjeux auxquels nous devons faire face en matière d’environnement.

L’accord de Paris ne peut pas être une référence pour ceux qui veulent sincèrement lutter contre le réchauffement climatique. Le respect des engagements à limiter à 2°C le réchauffement d'ici la fin du siècle suppose de laisser sous terre 80% des réserves d'énergie fossile connues, de viser, sur chaque territoire national, l'autosuffisance énergétique et de relocaliser les productions de produits alimentaires et manufacturés, toutes choses qui sont très éloignées du contenu de l’accord de Paris.

Le CETA est l’opposé mot pour mot de ces mesures, puisque, comme tout accord de libre-échange qui se respecte, il a pour objet de développer les échanges, notamment dans le secteur énergétique. Ceci nous fait dire que le climat n'est pas absent du CETA : il n'est que trop présent !

De nombreuses études montrent la corrélation entre le développement du libre-échange et les émissions de gaz à effet de serre. Dans les années 90, alors que le processus d'intégration des marchés s'accélérait, les émissions mondiales de gaz à effet de serre augmentaient de 1 % par an en moyenne ; dans les années 2000, une fois les « marchés émergents » comme la Chine pleinement intégrés à l'économie mondiale, la croissance des émissions s'est accélérée de façon catastrophique, atteignant 3,4 % pendant l'essentiel de la décennie. Ce taux s'est maintenu jusqu'à nos jours, si l'on fait exception de la brève interruption de 2009 dans la foulée de la crise financière. [1] Le fret serait responsable de 10% des émissions mondiales [2]. En prenant en compte les effets de la diversification des marchandises, du dégroupage de la production, du gonflement du volume des échanges, certains experts évaluent la contribution de la mondialisation des échanges à plus de 20% des émissions totales [3].

Un autre volet noir du libre-échange s’est cruellement rappelé à nos esprits en ce début d'année 2018 : la libération de 136 000 tonnes de condensat par un pétrolier iranien, un brut ultra-léger dont on connaît assez peu les effets sur l'environnement. Pourquoi la pire marée noire depuis 1991 intervient en 2018, alors que les normes de sécurité des pétroliers ne cessent de renforcer ? L'augmentation du trafic et de la taille des navires pour en diminuer les coûts est la conséquence directe et voulue des accords de libre-échange. Certains exportateurs canadiens suivent avec intérêt la réduction de la couverture estivale des glaces dans la zone du pôle nord, laquelle pourrait leur ouvrir de nouvelles voies pour désenclaver une partie du territoire.

Le tanker Sanchi, qui transportait 136 000 tonnes d'hydrocarbures légers, a pris feu suite à sa collision le 6 janvier 2018 avec un navire de fret chinois.

 

Les tribunaux arbitraux, des outils contre l’environnement

Il y a 10 ans, un porte-parole de l'OMC affirmait que son organisation rendait possible la contestation « de pratiquement toute mesure de réduction des émissions de gaz à effet de serre ». En 2013, pas moins de 60 des 169 litiges soumis au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements étaient issus des secteurs pétrolier, gazier ou minier, alors qu'on n'en avait rapporté que sept dans les années 1980 et 1990. Selon Lori Wallach, directrice de l'Observatoire du commerce mondial de l'association Public Citizen, plus de 85 % des compensations supérieures à 3 milliards de dollars déjà accordées en vertu d'accords de libre-échange et de traités bilatéraux sur les investissements conclus par les Etats-Unis, « ont trait aux contestations de politiques relatives aux ressources naturelles, à l'énergie et à l'environnement. » [1]

Si les négociations à l’OMC se sont interrompues en si bon chemin, l’organisation peut se prévaloir d’avoir laissé un héritage aujourd’hui bien valorisé dans les accords bilatéraux, tels le CETA. Tous les principes importants s’y retrouvent, notamment le principe de non-discrimination, l’appréciation des réglementations nationales comme des entraves déloyales aux échanges et bien sûr l’Organe de Règlement des Différends qui s’est mué en Tribunaux Arbitraux. La jurisprudence créée par ces jugements encouragera les législateurs, de part et d’autre de l’Atlantique, à uniformiser leurs règles, et on ne doute pas que ça sera pour le pire et non le meilleur.

Curieusement, ce modèle d’un organisme indépendant des Etats qui s’érige en juge au-dessus des justices nationales n’a pas été repris dans l’accord de Paris sur le Climat… Le déséquilibre est patent.

 

Le PARDEM demande l’abandon du CETA

On ne pourrait pas se contenter que des articles sur le climat soit ajoutés au texte du CETA sans se montrer au mieux inconséquents, au pire des imposteurs. Encore moins d’une simple mention de l’accord de Paris, comme il est prévu dans l’accord de libre-échange avec le Japon. L’objectif de développer les échanges est l’objectif des marchands mais il ne peut pas être celui des peuples. C'est l'absence d'accord de libre-échange qui doit être visée, c'est-à-dire la possibilité de choisir librement les échanges qui sont respectueux de l'environnement. Ce n'est pas d'un accord de libre-échange "policé" dont on a besoin pour résoudre la question du climat ou de la baisse de biodiversité en mer mais d'un moratoire sur l'expansion du transport maritime, notamment dans les écosystèmes les plus fragiles. Le Parti de la démondialisation demande :

  • L’abandon de toute négociation pour la mise en place définitive du CETA et des autres accords de libre-échange (Japon, Mercosur).
  • Aux parlementaires français qu’ils votent NON à la ratification du CETA en 2018.
  • Une taxation sur le transport maritime et aérien intégrant son juste prix écologique.
  • Un accord international sur la régulation du transport maritime, sur la base de la Charte de La Havane, afin de le conditionner à l’objectif de préserver des écosystèmes fragiles.

[1] Naomi Klein, Tout peut changer, capitalisme et changement climatique, Actes sud, mars 2015

[2] Michel Savy et al., le fret mondial et le changement climatique, cité dans L’impact macro-économique du CETA et ses conséquences sur le climat, la santé, l’agriculture et l’emploi. https://www.collectifstoptafta.org/IMG/pdf/impacts_du_ceta.pdf

[3] Perers G. P., Hertwich E. G ; (2008) Embodied in international trade with implications for global climate policy, environmental Science & Technology, cité dans L’impact macro-économique du CETA et ses conséquences sur le climat, la santé, l’agriculture et l’emploi. https://www.collectifstoptafta.org/IMG/pdf/impacts_du_ceta.pdf

0 Filet 2